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souvent par sa précision. Quoi qu’il en soit, le 24 août, Stephen Burrough s’estimait par 70° 30’ de latitude. Le 25 s’éleva une légère brise du sud. La pinnace put mettre le cap à l’ouest-quart-sud-ouest. On sonda et, au moment où la sonde rapportait 29 brasses, fond de vase et de sable noir, on reconnut l’île Kolguef. La pinnace n’en était qu’à 5 lieues à peine. Les Anglais se retrouvaient donc enfin dans des parages connus. Ils se hâtèrent de rectifier leur estime incertaine sur ce nouveau point de départ. Le vent de sud, par malheur, les abandonna, et il leur fallut recommencer à courir des bordées. Ce ne fut que le 28 août qu’ils parvinrent à contourner la partie occidentale de l’île. La neige tombait en abondance ; le vent du nord-ouest secouait impitoyablement la pinnace. Un abri eût été en ce moment doublement précieux. Stephen Burrough en chercha vainement sur la côte dont il interrogeait d’un œil anxieux les contours. Le Searchthrift, épuisé, dut reprendre le large. Cette dernière épreuve du moins ne fut pas longue. Les bourrasques sont fréquentes dans les mers polaires ; par compensation, elles ont peu de durée. Le 29 août, dans l’après-midi, le vent était revenu au sud, et la pinnace faisait encore une fois route à l’ouest.

Le brouillard, en se dissipant, laissa bientôt se dessiner une longue ligne de côte qui occupait au sud la majeure partie de l’horizon. De nouvelles nuées de brume effacèrent, comme d’un coup d’estompé, ce paysage. Surpris par les ténèbres dans un couloir obscur, que reste-t-il à faire ? Il faut s’avancer avec précaution, tâter du pied le sol, tendre les bras pour éviter un choc imprévu. C’est ainsi que Stephen Burrough essayait encore de se diriger, en dépit de l’obscurité profonde, vers le promontoire lointain qu’il croyait avoir entrevu. Quand la déclivité du fond est régulière, la sonde peut tenir lieu des clartés de la voûte céleste. Du 29 au 31 août, les Anglais naviguèrent au milieu d’un brouillard intense à peine entrecoupé par de rares éclaircies. Le vent changeait, la brume s’épaississait ; les marins du Searchthrift ne s’arrêtaient pas ; la sonde, pour les guider, plongeait et replongeait toujours. Rencontrait-elle au large des fonds de 35 brasses, Stephen Burrough revirait à terre ; il tournait au contraire le dos au rivage dès que le plomb en accusait 19. De bordée en bordée, la pinnace parvint de cette façon à gagner Kanin-Noss. Le cap doublé, on avait devant soi la Mer-Blanche. L’équipage du Searchthrift demandait, après tant d’efforts, un peu de répit. Stephen se rendit à ses vœux et laissa tomber l’ancre. L’endroit semblait, il faut le dire, singulièrement propice à la pêche ; par malheur, les lignes étaient à peine à l’eau qu’il fallut se hâter de les relever. Le vent d’ouest-sud-ouest fraîchissait rapidement et menaçait de souiller en tempête. La pinnace,