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partir de la promulgation de la présente loi et jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, il ne sera plus délivré de bons de monnaie pour la fabrication de la monnaie d’argent à 9/10es de fin, » c’est-à-dire, dans le haut style de la métaphysique administrative : les particuliers, à partir de tel jour, n’auront plus le droit de fabriquer des pièces d’argent de 5 francs, car ce sont les seules qui soient au titre indiqué de 9/10es. L’interdiction était prononcée sauf l’autorisation antérieure répondant aux bons de monnaie déjà délivrés. Le gouvernement disait : « La fabrication des pièces de 5 francs pour le compte des particuliers pourra être suspendue par décret[1]. » Ainsi M. de Parieu parlait au positif, et avec lui la suspension était une mesure bel et bien décidée, dès la promulgation de la loi. Le gouvernement semblait n’en parler que comme d’une éventualité subordonnée à sa volonté ultérieure ; mais au cours du débat le ministre des finances a déclaré à plusieurs reprises qu’avec la dépréciation telle qu’elle était aucun particulier ne serait autorisé à faire fabriquer des pièces de 5 francs d’argent. Dans la séance du 13 juin entre autres, il a dit que « dans les circonstances actuelles il serait extrêmement malheureux de laisser à des particuliers les opérations » dont il s’agissait. En réalité donc on était d’accord sur le fond ; on l’était même en principe, mais sous des réserves formulées par le ministre, qu’il est utile de connaître et que nous signalerons dans un instant, au sujet d’une pratique très importante : la fabrication possible au compte de l’état et à son profit de ces pièces de 5 francs.

Le but étant le même, il y avait pourtant une distinction à faire entre les deux projets : M. de Parieu voulait que la loi agît par elle-même et eût d’elle-même son plein effet. Le ministre entendait que l’action fût dévolue à sa discrétion au moyen d’une délégation portée par la loi. Vu la gravité des actes à accomplir, M. de Parieu était plus que le ministre dans la saine doctrine du gouvernement parlementaire ; mais le même résultat étant atteint quant à présent d’une manière aussi bien que de l’autre, il faudrait avoir l’esprit pointilleux pour se quereller là-dessus. Il faut rendre aussi au ministre cette justice, qu’il reconnaissait qu’on était sur un terrain mouvant et que prochainement le pouvoir législatif devrait traiter la question de nouveau, car il assignait à la durée de la loi un terme précis et peu éloigné, janvier 1878.

L’affaire de la fabrication par l’état des pièces de 5 francs d’argent, pendant la suspension qui existerait à l’égard des particuliers, a occupé une grande place dans la discussion du sénat. M. de Parieu y est très ouvertement favorable. Le ministre des finances,

  1. C’est la rédaction définitive, telle qu’elle a été votée le 23 juin. La rédaction première ne contenait pas ces mots : « pour le compte des particuliers. »