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les incidens ? De quoi s’agissait-il, après tout ? D’un procès où toutes les parties sont presque d’accord. Était-il impossible à un juge désintéressé de trouver les termes d’un arrangement et de concilier des plaideurs qui, an apparence du moins, ne disputent que sur des pointes d’aiguilles ? » On ne voit pas en effet qu’entre tes diverses puissances intéressées dans le règlement des affaires d’Orient il y ait des divergences d’opinions et des oppositions de vues absolument inconciliables. Il n’en est aucune qui ne désire améliorer sérieusement le sort des populations chrétiennes de la Turquie ; elles s’accordent aussi à condamner pour le moment toute solution violente ; elles admettent, les unes par goût, les autres avec un soupir de résignation, que « les meilleurs remèdes sont ceux qui fourniraient une solution pratique des questions en jeu sans altérer le statu quo politique et territorial de l’empire ottoman. »

Les ambitions moscovites ne sont pas impatientes, elles savent compter avec le temps et avec le dieu russe, qui ne se presse pas, parce qu’il croit à son avenir. Il y a sans doute à Saint-Pétersbourg des impatiens ; mais personne ne doute de la modération, de la sagesse, des sentimens pacifiques de l’empereur Alexandre. La politique agitée et fiévreuse du général Ignatief n’a point encore prévalu dans les conseils impériaux sur la politique mesurée et prudente du prince Gortchakof. Le chancelier de l’empire russe n’aime pas les aventures et il n’est point pressé d’aller à Constantinople ; peut-être son ambition se borne-t-elle à donner un second coup de canif dans le traité de Paris. Et que sait-on si, dans le secret de son cœur, il ne soupire pas en ce moment après les ombrages d’Ouchy, s’il ne maudit pas les complications de la politique européenne, qui lui refusent tout loisir et le retiennent captif de ses soucis loin des bords enchantés du Léman ? Qu’on se reporte à la dépêche qu’il adressa d’Ems au comte Schouvalof, ambassadeur de Russie à Londres. « Nous ne croyons pas, lui écrivait-il, à la durée indéfinie de l’état de choses anormal que nous voyons dans l’empire ottoman ; mais dans le présent rien n’est préparé pour remplacer cet empire, et s’il venait à s’écrouler tout à coup, il y aurait danger d’une catastrophe à la fois en Orient et en Europe. Il est donc désirable de maintenir le statu quo politique en améliorant le sort des populations chrétiennes, ce qui nous a paru et nous paraît encore une condition indispensable de l’existence de l’empire ottoman. Nous pensons que ce résultat peut être atteint au moyen d’une entente générale des grandes puissances… À présent comme il y a huit mois, nous ne voyons pas de raison pour désirer une crise décisive en Orient, parce que la matière n’e6t pas assez mûre pour une solution. » Ce langage est clair, catégorique et satisfaisant, il n’a pu déplaire ni à Vienne, ni à Londres. Que dit-on en effet à Londres et à Vienne ? À peu près les mêmes choses, dans un style un peu différent.

Sans doute, dans la capitale de l’Autriche, on éprouve à l’égard de la