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n’aurait-il pas mieux valu qu’il écrivît quelques essais de plus et qu’il signât quelques décrets de moins ?

Ce n’est pas que même à ce moment il se fût interdit de penser à la Revue d’Edimbourg. Au contraire, et l’on admirera toujours comment, sans compter les Ballades de l’ancienne Rome, il a pu trouver le temps de préparer ces magnifiques morceaux où il retraçait la vie dramatique des conquérans anglais de l’Inde, ces pages spirituelles où il renouvelait la condamnation prononcée contre la comédie anglaise de la restauration et cette pénétrante critique du livre de M. Gladstone, le jeune tory que « le Seigneur avait enfin livré entre ses mains. » Lorsque la chute du ministère lui eut rend sa liberté, le premier usage qu’il en fit fut de se mettre à son ouvrage historique. Il était alors dans son appartement d’Albany, dont les livres formaient le plus bel ornement ; du moins en trouvait-on partout. Une demi-douzaine de belles gravures italiennes, une pendule française et les statuettes de bronze de Voltaire et de Rousseau, souvenir de lord Holland, relevaient un ameublement plus commode que luxueux. Ce fut dans cette heureuse retraite qu’il évoqua les grands littérateurs du siècle qu’il aimait par-dessus tous les autres et traça le portrait de Temple et d’Addison dans un style moins classique, mais plus vivant et peut-être aussi parfait que le leur. Il avait déjà conçu le plan de son histoire et la commença vers la fin de l’année 1841. « Les matériaux sont immenses, écrivait-il à son ami Napier de la Revue d’Edimbourg, et le récit amusant. Je ne serai content que si je produis un ouvrage capable de prendre pour quelques jours la place du dernier roman à la mode sur la table des jeunes femmes du monde. » Cette œuvre de joie sur laquelle il fondait l’espoir de sa réputation dans la postérité, il s’aperçut bientôt qu’il fallait en restreindre les proportions. Il avait rêvé d’arriver jusqu’à une époque dont le souvenir fût encore dans la mémoire des contemporains, et la plume, on le sait, devait lui tomber des mains au moment où il achevait de raconter la mort de son cher Guillaume III. Sa méthode en effet était trop laborieuse pour lui permettre d’aller vite. Son soin était extrême, et il poussait jusqu’à la minutie le souci de la forme. Mémoires, pamphlets, chansons des rues, dépêches diplomatiques, il lisait tout, et rien ne sortait de sa mémoire. De cet amas informe de documens de toute sorte, comment a-t-il tiré cette merveille de clarté qui s’appelle l’Histoire d’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II ? C’est son secret, et il l’a bien gardé.

Les premiers volumes de ce noble récit d’une révolution bienfaisante parurent, en 1848-1849, au milieu d’une autre période révolutionnaire. À cette époque, Macaulay croyait bien s’être débarrassé pour jamais du servage de la politique. Après avoir, sous le