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l’empereur une requête à ce sujet ; il lui fut répondu que les privilèges serbes auraient leur plein et entier effet lorsque la paix serait rétablie en Hongrie (la guerre civile avait succédé à la guerre avec les Turcs). Il va sans dire que cette question ne fut jamais reprise et que les Serbes durent rester où ils avaient été cantonnés dès l’abord. Le patriarche se plaignait en même temps que l’on donnât à ses fidèles le nom de schismatiques. La cour de Vienne répondait aux réclamations des Serbes par de bonnes promesses. Le nouvel empereur Joseph Ier confirmait, dans un diplôme daté du 7 août 1706, les privilèges accordés aux Serbes par son prédécesseur Léopold, mais il se réservait en même temps de leur donner une forme définitive et plus avantageuse pour les Serbes quand la tranquillité des temps le permettrait. C’étaient de vaines paroles, car en même temps la cour de Vienne cherchait le moyen d’amener les Serbes au catholicisme romain. Or les Serbes étaient d’autant plus attachés au catholicisme du rite oriental qu’il était le symbole et la garantie de leur nationalité. Ils se groupaient autour de leur patriarche, dit un document contemporain, comme les abeilles autour de leur reine.

Tchernoïévitch mourut en 1706, et pour la première fois les Serbes usèrent du droit, garanti par le diplôme de Léopold, de se réunir en congrès pour lui donner un successeur. Ces congrès ecclésiastiques jouent un grand rôle dans l’histoire des Serbes de Hongrie, parce que là seulement les délégués de leur nation pouvaient se réunir et délibérer de leurs affaires nationales. Ainsi, après avoir élu un métropolitain[1], le congrès discuta le texte d’un mémorandum qu’il envoya à la cour de Vienne. On demande notamment dans cette requête : « que dans les pays de l’empire où se trouvent les Serbes ou tout autre peuple du rite grec, au milieu des Allemands et des Magyars, les première puissent vivre aussi librement que les derniers ; qu’ils puissent avoir leurs magistrats au même titre qu’eux ; qu’ils puissent également avoir et entretenir leurs églises et leurs prêtres de rite grec, conservant leur culte et leur ancien calendrier, et ne célébrant pas les fêtes deux fois, mais seulement d’après l’ancien calendrier (art. 6) ; que deux conseillers de leur nation et du rite grec soient près de la cour impériale, à la chancellerie hongroise, pour qu’ils puissent élever la voix auprès de la glorieuse cour impériale pour leur nation ; que ces conseillers soient élus par l’assemblée générale du peuple serbe (art. 13). » Le mémorandum demandait encore un territoire distinct.

C’était une autonomie complète que réclamait là le congrès

  1. Les successeurs de Tchernoïévitch dans la monarchie autrichienne ne portèrent point le titre de patriarche, qui resta attaché au siège d’Ipek, mais seulement celui de métropolitain. Le siège d’Ipek fut plus tard transporté à Belgrade. Ipek se trouve aujourd’hui comprise dans les limites administratives de l’Albanie.