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d’origine révolutionnaire avait rencontrée dans les grandes cours. Rien ne se faisait plus en Europe sans son concours.

Il plut à la France de laisser perdre en un jour tout le fruit d’un règne. Lord Palmerston apprit avec joie la chute de M. Guizot. « Guizot a cru, écrit-il à lord Minto le 24 février, qu’avec un parlement à ses gages et une majorité obtenue par la corruption, il pourrait contrôler la volonté nationale, et le résultat a été que la volonté nationale a été dominée par les armes populaires. Tout le monde s’en va disant que Louis-Philippe est le plus sage des hommes ; je l’ai toujours regardé comme un des plus rusés et conséquemment pas comme un des plus sages… Cette abdication du roi des barricades sur une sommation de la garde nationale est un curieux exemple de justice politique et poétique. » Lorsqu’il écrivait ces lignes injurieuses, il ne savait pas encore que l’abdication du roi avait été suivie d’une révolution. Quand lord Normanby lui apprend la proclamation de la république, il lui commande tout de suite de rester à son poste ; il se charge d’empêcher l’Europe de se mêler des affaires de la France. Il faut en revanche que les nouveaux gouvernans empêchent la France de se jeter sur aucune partie de l’Europe. « Sur cette base, ajoute-t-il, nos relations avec la France peuvent être placées sur un pied plus affectueux qu’elles ne l’étaient ou n’avaient chance de l’être avec Louis-Philippe et Guizot. » (26 février 1848.)

Palmerston moralisait sur ce roi, qui avait passé par toutes les vicissitudes humaines et depuis la condition du maître d’école jusqu’à la pompe du trône, » mais, seul de tous les hommes d’état anglais, il n’alla pas saluer dans le malheur celui qu’il avait été naguère voir aux Tuileries. On ne le vit jamais à Claremont. Il croyait à la « poésie » de la justice, il ne comprenait pas la poésie de l’oubli, de la générosité ; il était de ceux dont les haines ne se refroidissent pas même sur les tombes.

Le plaisir philosophique qu’il avait éprouvé en apprenant la révolution de 1848 avait été d’abord un peu gâté par la crainte de voir la république reprendre ses traditions guerrières et conquérantes. « Nous ne pouvons pas, écrivait-il dès le 27 février 1848, voir tranquillement la Belgique envahie et Anvers devenu port français. » Il craignait non-seulement la guerre, « les grandes républiques sont de leur nature essentiellement agressives, » il craignait aussi la contagion du suffrage universel : « l’exemple de la France va mettre en l’air notre population non-votante et faire crier pour une extension du suffrage, le vote secret et autres choses pernicieuses. N’importe, pour l’heure présente, vive Lamartine ! » (28 février 1848.) Lamartine assurément faisait tout ce qui dépendait de lui pour calmer les terreurs de l’Europe ; s’il déclarait