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aux opérations contre le Danemark, il considérera cet acte comme une insulte à l’Angleterre. Il ne pourrait pas, il ne voudrait pas subir cet affront : la guerre deviendrait inévitable. Le comte Apponyi lui répondit qu’il avait déjà été informé par le roi des Belges que, si une escadre autrichienne arrivait dans la Manche, elle serait suivie par une escadre anglaise, mais que cette éventualité n’était pas à craindre ; on ne verrait pas arriver d’escadre autrichienne.

Ainsi Palmerston ne trouvait que l’Autriche sur qui faire tomber sa colère, et cette colère était destinée à s’évaporer dans une simple conversation. Il n’en restait qu’une mauvaise humeur dont le roi Léopold était le confident : « Les événemens de cette guerre danoise forment dans l’histoire d’Allemagne une page qu’un Allemand honnête et généreux ne pourra regarder plus tard sans rougir. » Une conséquence en ressort avec certitude : si le bon ami et voisin de Paris se met dans la tête de priver la Prusse de ses provinces rhénanes, l’Angleterre ne lèvera pas le doigt, pas une voix ne s’élèvera, on ne votera ni un homme ni un shilling pour résister à ce juste châtiment du monarque prussien, et quand la France et l’Italie se prépareront à délivrer l’Italie du joug autrichien, la joie avec laquelle on apprendra le succès de cette entreprise sera doublée par le souvenir du Holstein, du Lauenbourg, du Slesvig et du Jutland (28 août 1864.) »

Le sacrifice du Danemark une fois accompli, Palmerston ne fut pas long à se consoler : il ne versa pas de pleurs inutiles sur les duchés. Il avait toujours eu une haute opinion de l’armée prussienne : le duc de Wellington lui avait dit que cette armée n’avait rien perdu pendant la longue paix qui suivit 1815, et avait prédit qu’elle étonnerait un jour l’Europe. Elle avait montré quelques-unes de ses qualités pendant la guerre des duchés. Palmerston voyait enfin surgir sur le continent la force qu’il voulait opposer à la France impériale ; aussi écrivait-il à lord Russell, dès le 13 septembre 1853 : « Il était malhonnête et injuste de priver le Danemark du Slesvig et du Holstein. Autre chose est de savoir comment on disposera de la manière la plus favorable aux intérêts de l’Europe de ces deux duchés séparés du Danemark. Il me semble qu’il vaut mieux augmenter la puissance de la Prusse que de composer un autre petit état qui s’ajoutera à la constellation des minces corps diplomatiques qui encombrent l’Allemagne et qui la rendra plus faible qu’elle ne devrait être dans l’équilibre général de l’Europe. La Prusse actuelle est trop débile pour être honnête ou indépendante dans son action, et pour l’avenir il est désirable que l’Allemagne, dans son ensemble, soit forte pour contrôler ces deux pouvoirs ambitieux et agressifs, la France et la Russie, qui la pressent à l’est et à l’ouest. Pour la France, nous savons combien elle est