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conversation avec Peel. Il ne croit pas au maintien de la paix. Il trouve une hostilité ouverte dans les discours de Guizot et de Broglie. » Quoi ! un discours de M. le duc de Broglie, un discours de M. Guizot, au mois de février 1847, ont pu produire une telle impression sur le grand et sage esprit de sir Robert ! Que se passe-t-il donc à cette date, et de quels discours est-il question ?

Il s’agit de la discussion du projet d’adresse par la chambre des pairs au mois de janvier, par la chambre des députés au mois de février 1847, et particulièrement du long débat que souleva le paragraphe 3 relatif aux mariages espagnols.

Cette affaire, qui a tant ému l’Angleterre et la France dans les deux dernières années du règne de Louis-Philippe, a déjà été exposée sous bien des formes. Des deux côtés du détroit, bien des documens authentiques ont été mis au jour par les deux gouvernemens. Sans parler des ardentes batailles parlementaires de Paris et de Londres, il suffit de rappeler les papiers d’état publiés à cette occasion par le foreign office et l’important récit donné par M. Guizot au huitième volume de ses Mémoires, récit qu’il avait préparé ici même avec autant de précision que de force dans ses belles études sur la vie politique de sir Robert Peel[1]. Des informations d’un autre ordre, des correspondances royales non destinées à la publicité, des lettres intimes de la famille du roi Louis-Philippe, ont été trouvées aux Tuileries après le 24 février 1848, ou recueillies çà et là parmi les épaves de la monarchie de juillet. De toutes ces pages dispersées par l’ouragan et que des mains trop adroites ont rassemblées[2] les plus intéressantes, à mon avis, ce sont les pièces qui se rapportent de près ou de loin à l’histoire des mariages espagnols.

Les Mémoires de Stockmar ajoutent-ils quelque chose à ces renseignemens ? Non, le conseiller de la reine Victoria n’a point de révélations à fournir sur une affaire débattue au grand jour de la chambre des lords et de la chambre des communes ; il nous apporte seulement ses appréciations personnelles sur le rôle des principaux acteurs. Au milieu de ces contradictions passionnées, il y a un point tout particulièrement aigu et douloureux. Ce n’est plus une question politique, c’est une question d’honneur. Le roi Louis-Philippe a-t-il manqué à sa parole ? M. Guizot a-t-il joué la comédie ? est-ce le gouvernement français qui a failli être dupe, et qui, dégagé de

  1. Voyez, dans la Revue du 1er septembre 1856, Sir Robert Peel, quatrième partie, par M. Guizot.
  2. Revue rétrospective, ou Archives secrètes du dernier gouvernement, 1830-1848, 1 vol. in-4o ; Paris, mars 1848. — Je dis des mains trop adroites, puisqu’il est certain que les éditeurs ont supprimé beaucoup de choses qui pouvaient compromettre leurs amis politiques. On fait d’ordinaire ces publications-là pour insulter à un gouvernement tombé, et presque toujours, si elles se faisaient sincèrement, elles ne nuiraient qu’aux éditeurs eux-mêmes ou aux gens de leur parti.