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ce péril et le vaincre, il était nécessaire que l’homogénéité régnât dans le ministère. Or c’est justement l’homogénéité qui manquait le plus au cabinet imposé à Louis-Philippe au lendemain de la révolution ; les préliminaires du procès avaient démontré la diversité comme l’étendue de ses discordes intérieures, la multiplicité des opinions qui s’y trouvaient représentées, « les unes trop accommodantes pour les dispositions publiques et les exigences révolutionnaires, disposées à leur passer beaucoup et à se promettre de leur développement sans gêne une heureuse issue, » les autres résolues à ne considérer la révolution que comme un changement de dynastie, réalisé pour restituer au pays le régime représentatif dans toute sa sincérité, mais non pour disloquer le mécanisme du pouvoir ou affaiblir le principe d’autorité, unique base d’un système libéral, durable et fécond. Une modification ministérielle devenait donc nécessaire ; elle était dans le désir de tous les membres du ministère, et à la suite de l’échauffourée du 18 octobre, après divers incidens graves et de laborieuses tentatives pour conserver dans le ministère la plupart de ses membres, MM. Casimir Perier, Molé, Louis, Dupin, de Broglie et Guizot offrirent successivement leur démission au roi. M. Laffitte, ministre des finances, resta chargé de constituer le cabinet nouveau dans lequel M. Dupont de l’Eure conserva les sceaux, le général Sébastiani la marine et le maréchal Gérard la guerre. Avec l’assentiment du roi, M. Laffitte offrit le portefeuille de l’intérieur à M. Casimir Perier, qu’il aurait voulu associer à son œuvre et qu’il s’efforça d’attirer à lui, prêt à sacrifier au besoin M. Dupont de l’Eure ; mais M. Perier, duquel on peut dire, sans faire injure à sa grande mémoire, qu’il se gardait pour un ministère de durée et qui ne croyait pas à l’avenir de celui que formait M. Laffitte, refusa d’en faire partie. C’est à défaut de lui que M. de Montalivet devint ministre de l’intérieur[1]. Le maréchal Maison eut les affaires étrangères, M. Mérilhou l’instruction publique et les cultes. Peu de jours après, le comte Gérard et le marquis Maison s’étant retirés, on donna pour successeur au premier le maréchal Soult et au second le général Sébastiani, qui céda le portefeuille de la marine au comte d’Argout.

Parmi les hommes que M. Laffitte venait de s’adjoindre et dont il s’était assuré le concours en vue de la crise décisive qui se préparait, il en était un que sa jeunesse, l’éclat de sa carrière ultérieure, le courage dont il fit preuve, l’importance de son rôle pendant le procès des ministres, nous obligent à distinguer dès à présent entre ses collègues, déjà illustres pour la plupart, et au milieu desquels il apparaissait, connu non-seulement par le nom de son père, mais

  1. Mémoires inédits.