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provenance à bouts coupés soient détestables à Paris ? C’est que pas un agent français n’en surveille la livraison à Manille comme cela se fait à Cuba, L’administration espagnole, n’étant soumise à aucun contrôle, nous a livré pendant longtemps ce qu’elle avait de plus mauvais ; aujourd’hui il y a amélioration.

La vente du tabac en feuilles, qui en 1867 était de 1,437,047 piastres, s’est élevée en 1874 à 2,200,073 ; celle des cigares, qui en 1867 avait donné à l’exportation le chiffre de 857,451 piastres, a atteint en 1874 celui de 1,260,134, ce qui représente pour ce produit seulement, manufacturé ou non, une somme de 3,460,207 piastres ou en francs 17,301,000. C’est un résultat minime qui pourrait être quadruplé, si les entraves du monopole n’y mettaient obstacle.

Les provinces qui produisent le meilleur tabac sont celles de Cagayan et de la Isabela du nord ; Mindanao, Visayas et Nueva-Ecija viennent ensuite. Leurs produits sont supérieurs à ceux du Brésil et de toute autre provenance américaine. En 1870, la première de ces provinces a donné 279,285 fardeaux, représentant une valeur de 456,831 piastres. Les terrains où les tabacs sont cultivés présentent pour les deux provinces Cagayan et Isabela une étendue totale de 15,000 hectares. Le sol en est montagneux, d’un parcours difficile, et ce n’est que dans les vallées humides, au bord des rivières et des lacs, que sont les plantations les plus riches.

A une époque où l’usage de fumer est devenu pour notre trésor le plus clair et le plus important des revenus, il n’est pas inutile de dire ici quelles sont les conditions requises aux Philippines pour obtenir de bons tabacs.

Afin qu’une terre puisse être bonne à recevoir une certaine quantité de graines, il faut qu’elle soit légèrement inclinée, divisée en quadrilatères, débarrassée des plantes ou racines parasites, et que chaque carré soit entouré d’un fossé peu profond et coupé en tranchées de 2 pieds de large. La terre doit être légère, aussi fine que celle dite de bruyère, sans quoi elle ne se mélangerait pas aisément avec la graine du tabac, laquelle est, comme on sait, fine comme de la poudre de chasse. Avant d’être déposée avec soin sur sa couche, la semence doit être lavée, puis mise dans un linge pendant le jour, de façon que l’humidité qu’elle contient puisse s’évaporer tout à fait. Avant de la répandre, on doit mélanger la graine avec un peu de cendres. Lorsque la plante commence à se montrer, le terrain doit être tenu proprement, arrosé tous les jours en temps de sécheresse, protégé contre les oiseaux par des broussailles, enfin garanti des grands vents et des orages par des nattes. En deux mois, les plants ont acquis une hauteur de 5 à 6 pouces, et chaque tige est fournie de quatre ou six feuilles. C’est alors qu’il faut les