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Côtes, de Graves, de Palus, d’Entre-Deux-Mers, que l’on donne aux vins du Bordelais. Le haut-brion est le roi des vins de Graves rouges. Montesquieu récoltait les siens au château de la Brède, et en vendait une partie aux Anglais. Clément, évêque de Bordeaux, le même qui fut pape, transféra le saint-siège à Avignon et supprima les templiers ; après lui, les évêques de Bordeaux, jusqu’à la révolution, eurent dans la même région un « château » fameux et qui l’est encore. Le sauternes est le roi des vins de Graves blancs, et dans les sauternes le barsac, et au-dessus le château-d’yquem, qui est hors de pair et souvent hors de prix. Le saint-émilion est à la tête des vins de Côtes dans le Libournais. On réserve pour les vins du Médoc une mention spéciale : ils sont toujours classés à part, ce sont les crus par excellence, ceux qu’il convient de décrire particulièrement.

Le Médoc est cette partie du département de la Gironde qui s’étend entre Bordeaux et la mer d’une part, entre les rives du fleuve et les landes de l’autre. Cette petite langue de terre, cette espèce de presqu’île, dont le nom, suivant quelques étymologistes, veut dire au milieu de l’eau, in medio aquœ, d’où l’on a fait par contraction Médoc, est toute plantée de vignes. Sur le côté qui borde le fleuve, sur une longueur totale de 60 kilomètres, et une largeur moyenne de 8, on ne rencontre que vignobles. Là, chaque commune porte un nom célèbre. C’est Margaux, c’est Cantenac, c’est Saint-Jullien ou Saint-Estèphe ; là sont les crus les plus fameux, le château-lafite (la hite, la fite, la hauteur), qui était déjà fort apprécié au XIVe siècle, le château-margaux, qui appartint un moment à Edouard III d’Angleterre, le château-latour, qui est resté pendant deux siècles la propriété des Ségur. Tous les trois sont hors de concours, et avec le château-haut-brion, connu dès le temps du pape Clément V, qui cite ce vin avec le sien dans ses bulles, composent les quatre premiers grands crus des grands vins rouges de la Gironde. Cette classification est officielle, elle fait loi sur le marché. Il faut être un des riches de ce monde pour posséder de pareils crus. Le château-lafite appartient aux Rothschild, le château-margaux aux Aguado, le château-latour à quatre grands propriétaires, le château-baut-brion aux Larrieu.

A une distance respectueuse des premiers viennent les deuxièmes, troisièmes, quatrièmes et cinquièmes grands crus, non moins méticuleusement classés, mais beaucoup plus nombreux dans chaque catégorie. Le branne-mouton (motton, motte de terre, éminence), les rausan, les léoville, les gruau-larose, les pichon-longueville, le ducru-beaucaillou, le montrose, le cos-d’estournel, sont des deuxièmes crus ; le château-d’issan, le palmer, le lagrange, le