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d’industrie et de commerce, l’état aura égard au caractère moral ou non, nécessaire ou non de la consommation. Les moins modérés veulent des impôts contre le luxe, les plus modérés acceptent, réclament parfois des taxes sur le luxe.

Même divergence de points de vue quant au luxe public. Ici l’état ne saurait être mis tout à fait hors de cause ; mais la différence est grande entre les écoles qui lui attribuent un rôle de première importance, et les économistes qui souvent réduisent ce rôle presqu’à rien. C’était bien entièrement affaire d’état chez les anciens. Tout en regardant l’autorité comme souveraine en pareille matière, ils abandonnaient une partie considérable du luxe public aux riches particuliers, qui s’en faisaient un moyen d’influence. Les proportions du luxe public se sont beaucoup restreintes pour nous modernes. Nous ne le chargeons plus au même degré de nous amuser, nous ne lui attribuons plus la même importance comme instrument d’éducation populaire. Aujourd’hui il s’agit seulement de quelques fêtes, et surtout de l’intervention du gouvernement sous forme de direction et de subvention dans le domaine des beaux-arts. La part de protection de l’état et les formes qu’elle doit prendre ici n’ont pas cessé d’être livrées à des controverses auxquelles le budget donne chaque année un intérêt qui n’est pas exclusivement philosophique.

Voilà la partie générale de ce qu’on peut nommer la politique du luxe. Elle est liée aussi à des questions plus spéciales : je veux parler des formes de gouvernement, lesquelles, non moins évidemment, influent sur le degré de développement et sur les formes variées du luxe soit privé, soit public Pour nous intéresser aujourd’hui, il n’est pas nécessaire qu’un tel sujet revête le caractère d’une polémique pour ou contre telle forme de gouvernement. Les vérités d’application se déduisent toutes seules des vérités d’observation, dont on trouve les élémens dans l’histoire, dans la comparaison des idées comme des faits, dans le spectacle des sociétés existantes. C’est à ce point de vue expérimental que je me placerai pour traiter une question qui, malgré son apparence théorique, présentera peut-être des vérités dont nous pouvons, aujourd’hui particulièrement, faire notre profit.

Monarchie, aristocratie et démocratie, telle est ici la classification la plus usitée, et peut-être encore la plus acceptable. N’oublions pas au reste que ces formes ne se présentent pas toujours à l’état pur, et qu’il faut tenir compte de la manière assez variée dont elles peuvent se combiner. Évitons aussi la confusion trop fréquente entre l’ordre civil et l’ordre politique, le gouvernement et la société, auxquels la même désignation ne convient pas toujours. Ainsi une société, aristocratique ou démocratique par son organisation