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pas que le cœur du prince en soit enflé ; mais on l’entoure de toutes les splendeurs qui peuvent environner un trône, splendeurs éblouissantes, énumérées avec une magnificence incroyable par l’éloquent commentateur qui met si naturellement son style en rapport avec les pompes qu’il décrit.

Quand donc viendra le temps où la monarchie demandera moins de prestige aux pompes extérieures, où se trouvera réalisé le vœu qu’avait osé exprimer La Bruyère, pour restreindre du moins l’excès de magnificence des vêtemens et des ornemens qui couvrent la personne du prince ? « Le faste et le luxe dans un souverain, c’est le berger habillé d’or et de pierreries, la houlette d’or en ses mains ; son chien a un collier d’or et de soie : que sert tant d’or à son troupeau ou contre les loups ? »

Pour que cette simplicité, relative du moins, paraisse conciliable avec la monarchie, il faudra de grands changemens dans la pensée des hommes, de grandes révolutions dans la société. La monarchie se dépouille alors de ces magnificences qui rappelaient, soit sa consécration religieuse, soit sa brillante jeunesse, mêlée aux aventures féodales. Plus de mystère sur son berceau. Voici l’ère des monarchies représentatives et constitutionnelles, nées de la raison publique et du consentement populaire. Elle emporte avec elle toute la partie symbolique du luxe royal. Ce qui peut être dit de cette monarchie se réduit à peu de mots. On ne saurait affirmer qu’elle repousse toute représentation. Il y en a une part qu’exige toute institution monarchique. Seulement cette part est fort limitée. Elle l’est par les origines mêmes de cette forme de gouvernement ; elle l’est par la publicité des dépenses et par les bornes de ce que le langage sévère de la comptabilité moderne appelle une « liste civile. » Sous ce genre d’institutions, le luxe pourra, selon les temps, le lieu, le caractère du prince, paraître encore parfois comme un épisode : il ne fixera plus les regards de l’historien comme une de ces conditions, un de ces ressorts qui font partie du pouvoir, il ne sera plus un de ces faits de très grande importance qui touchent de toutes parts aux intérêts les plus essentiels des peuples.


II. — LE LUXE ET L’ARISTOCRATIE.

C’est une vérité historique qui ne souffre guère d’exception que l’aristocratie, considérée comme classe gouvernante, débute par la simplicité, et n’aboutit au luxe qu’en dégénérant.

Dans la première époque des patriciats, les habitudes sont sévères, dures même, comme le sont aussi presque toujours les croyances religieuses primitives : la vie est à peu près réduite au nécessaire rigoureux ; il y a peu de monumens publics ; seul, le