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Cette hypothèse pourrait paraître suffisante si l’histoire des époques géologiques nous montrait uniquement des séries de dégradations. Mais il y a eu également des augmentations. Par exemple l’exagération du type rhinocéros se voit dans le rhinocéros tichorhinus ; celle du type éléphant dans l’elephas primigenius ; celle du cerf dans le cervus megaceros, celle du machairodus dans le machairodus smilodon ; ces exagérations, qui marquent en réalité l’apogée du développement d’un type, ne se sont produites que longtemps après l’époque où les genres que je viens de citer ont apparu sur la terre : ainsi donc l’histoire de certains genres offre des exemples de tendance vers l’individuation. Les éléphans actuels de l’Inde ont leurs molaires formées de collines plus nombreuses que les premiers éléphans fossiles ; ceux-ci ont eu également des collines plus nombreuses que les mastodontes dont il y a tout lieu de les croire dérivés. Les tapirs et les rhinocéros ont leurs prémolaires plus compliquées que les lophiodon et les paloplothérium, leurs prédécesseurs. Nos rats actuels ont à leurs prémolaires un mamelon de plus que leurs parens miocènes les cricétodon. Nos lièvres ont plus de dents que leurs ancêtres les titanomys. Quand nous voyons les acérothérium, dont les pattes de devant ont quatre doigts, succéder aux paléothérium, qui ont des pattes à trois doigts, nous pouvons supposer qu’ils proviennent de quelque animal à quatre doigts encore inconnu, voisin des paléothérium ; il est permis de croire également que les animaux à trois doigts comme les paléothérium, habitant dans un pays marécageux, ont eu besoin d’avoir des pattes larges et ont pris un doigt de plus. Dans les mêmes pachydermes où les pattes se sont simplifiées pour devenir les pattes fines des ruminans et des solipèdes, les dents ont subi des augmentations, car les denticules des molaires se sont plus développés en hauteur et en largeur chez les herbivores que chez leurs ancêtres présumés, les omnivores. Bien que les mammifères soient en diminution depuis l’apparition de l’homme sur la terre, ils offrent encore aujourd’hui des phénomènes d’augmentation ; il y a dans les Pyrénées une race de chiens où les pattes de derrière ont six doigts et où les cunéiformes sont au nombre de quatre. M. Goubaux m’a montré dans la collection de l’école vétérinaire d’Alfort une patte de cochon où le premier doigt porte un grand métacarpien, une première, une seconde et une troisième phalange. L’ouvrage que M. le docteur Magitot publie en ce moment sur les anomalies du système dentaire chez l’homme et les mammifères renferme des exemples d’augmentation dans les dents. En réalité, l’histoire de la nature présente dans ses variations indéfinies des séries d’augmentations aussi bien que de diminutions.