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retrouvant les créatures charmantes ou majestueuses qui animèrent nos contrées, alors que la voix de l’homme n’en avait pas encore fait retentir les échos ; aussi bien qu’en Grèce, au milieu d’immenses troupeaux d’hipparions, de tragocères, de gazelles, qui réalisaient dans le monde animal le type de la beauté, on voyait le dinothérium et l’helladothérium, qui réalisaient l’idéal de la grandeur.

Je ne crois pas que mes impressions personnelles sur les magnificences du monde fossile soient bien différentes de celles qu’ont ressenties tant d’autres naturalistes qui ont, comme moi, ou mieux que moi, exploré les couches où sont enfouis les mammifères tertiaires. Crawfurd, Clift et Falconer au pied de l’Himalaya, l’abbé Croizet, M. Aymard, Bravard et M. Pomel en Auvergne, Lartet et Laurillard à Sansan, Marcel de Serres, de Christol et M. Gervais à Montpellier, MM. Rütimeyer et Cartier à Egerkingen, M. Fraas à Steinheim, M. Alphonse Milne Edwards à Saint-Gérand-le-Puy, M. Suess à Baltavar, M. Villanova à Concud, MM. Filhol et Javal dans le Quercy, MM. Hayden, Marsch, Cope dans les Western Territories, et d’autres encore, qui ont eu l’occasion d’étudier les plus riches gisemens de mammifères, n’ont pas remué sans plaisir et sans admiration les dépouilles des êtres qui vécurent autrefois. Des trésors de poésie sont enfouis dans l’écorce de notre globe. Combien d’hommes qui ont soif du beau auraient de douces jouissances s’ils se mettaient à la recherche des sources mystérieuses de la vie ! combien s’en vont par des chemins où ils cueilleront des fruits insipides et quelquefois amers qui seraient heureux en scrutant les merveilles de la nature ! A ces hommes, je dirai : venez nous aider, notre science a de quoi charmer les âmes des artistes aussi bien que les âmes des philosophes.


ALBERT GAUDRY.