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chose sur les dépositions que le nom des témoins et produire ses reproches en présence d’articulations déterminées. L’ordonnance de 1539 que rédigea Guillaume Poyet avait refusé à l’accusé ce droit légitime. Quand le fameux chancelier eut été mis en jugement, il réclama vainement le droit de récusation des témoins, qu’on lui refusait ; il s’indignait d’une telle rigueur, mais la cour lui répondit en justifiant son refus par cette raison accablante que la loi était son ouvrage (patere legem quam tuleris). Cette même ordonnance de 1539 défendait, par une autre iniquité, de récoler les témoins à décharge. La disposition fut abolie par la grande ordonnance de 1670, qui introduisit dans la procédure criminelle de salutaires réformes.

Quand il y avait plusieurs accusés, ils étaient confrontés les uns avec les autres ; c’est ce qu’on appelait l’affrontation. L’accusé fut admis aussi, lorsqu’il y avait des faits justificatifs à produire, à les proposer par une requête qu’il présentait à la fin des récolemens et de la confrontation. C’est alors qu’il pouvait faire valoir un alibi, alléguer le cas de légitime défense, de folie même ; mais, chose bizarre, la preuve de ces faits était, comme le remarque M. A. Du Boys, renvoyée à la fin de la procédure, tandis qu’on aurait dû les examiner au début du procès. Je ne dois pas passer sous silence un moyen d’instruction tout à fait spécial, habituellement réservé pour les crimes de lèse-majesté, de sacrilège et d’hérésie. C’était ce qu’on appelait les monitoires. L’usage en avait été introduit par l’église, et il porte bien l’empreinte de sa manière de procéder pour la recherche du coupable. Le monitoire devait être ordonné ou au moins autorisé par l’officialité du diocèse ; il consistait en un avertissement donné en chaire, à la messe paroissiale, par chaque curé à tous les assistons, de venir lui communiquer ce qu’ils savaient du crime commis, lequel était spécifié dans le libellé du monitoire, mais sans mention de la personne qui pouvait être l’objet de soupçons. Le curé transmettait ensuite sous son sceau aux juges enquêteurs les renseignemens ainsi obtenus.

Arracher au prévenu un aveu, en même temps qu’on l’accablait du poids de témoignages cherchés de tous côtés contre lui, telle était la façon de procéder ; aussi est-il dit dans les ordonnances que l’accusé interrogé en secret doit répondre sans délai de sa propre bouche. Avant de l’entendre, le juge lui imposait de prêter serment de dire toute la vérité, l’assimilant ainsi, en sa propre cause, aux témoins également tenus à jurer, tant à la première audition qu’au récolement. Cette prescription fut maintenue dans l’ordonnance de 1670 : aux conférences qui en préparèrent la rédaction, le président de Lamoignon combattit vainement une telle disposition, qui plaçait le coupable entre le parjure et un aveu dont il