Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la révolution était encore loin de se rendre compte de son vrai principe en matière de religion, à savoir le principe de la sécularisation de l’état. Mirabeau s’appuyait au contraire sur la confusion des puissances. Il substituait l’état à l’église, au lieu de distinguer l’un de l’autre. L’état ayant, disait-il, la nomination des bénéfices, comment contester son droit de propriété ? Il prétendait que les églises et les autels appartenaient à l’état au même titre que les vaisseaux et les casernes. Jamais l’armée ne s’est partagé les territoires conquis. Il ajoutait que « les pauvres eux-mêmes appartenaient à l’état, » et, remarquant que toutes les classes de la société fournissaient des membres au sacerdoce, il concluait que ce qui appartenait au clergé, appartenait à tous. Il invoquait encore un argument passablement sophistique en disant que, si le clergé n’avait pas de revenus, l’état serait obligé d’y suppléer : « Or un bien qui ne nous sert qu’à payer nos dettes est à nous. » En conséquence, toute nation est seule et véritable propriétaire des biens de son clergé.

Cette proposition, qui servait de conclusion au premier discours, est le début du second, celui que Mirabeau n’a pas prononcé. Mais il y abordait bientôt un point nouveau et délicat qui n’avait pas encore été touché : que faire de ces biens enlevés au clergé ? à qui appartiennent-ils réellement ? à qui doivent-ils revenir ? C’était là le nœud de la question, car, de ce que tel bien n’est pas à moi, s’ensuit-il qu’il soit à vous ? L’état prétendait que les biens en question, n’appartenant pas au clergé, devaient lui appartenir à lui-même. Une telle conclusion n’était pas contenue dans les prémisses. Il fallait la démontrer : c’est ce que Mirabeau essaie de faire dans son second discours. Il semble d’abord que les biens devaient revenir aux fondateurs : ce n’est qu’à défaut de ceux-ci que l’état peut les réclamer comme héritage vacant ; mais Mirabeau affirmait que ces biens avaient été donnés à titre irrévocable, sans clause de réversibilité. Ils ont été affectés à un service, c’est à ce service qu’ils appartiennent, et par conséquent à ceux qui ont la charge de ce service, c’est-à-dire à la nation. Dira-t-on que ces biens, cessant d’appartenir au clergé comme corps, doivent revenir aux individus qui composent ce corps ? Ce serait une grave erreur ; jamais les individus ecclésiastiques n’ont été, à titre d’individus, propriétaires des biens qu’ils administraient ; c’est le corps abstrait du clergé et non la collection des individus qui avait la jouissance, c’est cette personne abstraite qui ne peut exister que par la loi, et qui peut être détruite par elle. Or, une fois cette personne détruite, les individus qui la composaient ne peuvent en hériter, car ce n’est pas à eux que la donation a été faite. Les biens, ne pouvant aller ni aux fondateurs ni aux membres individuels du clergé, ne peuvent