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personne en particulier et qui passe de main en main au service des pauvres, c’est l’idéal communiste lui-même. Au fond, la propriété de mainmorte c’est la non-propriété. La révolution, en la supprimant, ou du moins en la soumettant à la loi, a refoulé un communisme séculaire, bien loin de travailler à un communisme nouveau.

N’oublions pas du reste qu’il y avait encore dans cette question un autre principe engagé et que nous allons retrouver dans une autre discussion, à savoir le droit des fondateurs, en d’autres termes le droit de disposer ou la liberté de tester. Nous touchons ici à la propriété dans la famille.


III

Ce ne fut pas par hasard ni arbitrairement et par un désir exagéré de réformes que la constituante fut réduite à s’occuper des lois successorales. On ne peut ici lui faire le reproche qui lui a été souvent adressé d’avoir voulu construire une société a priori pour satisfaire un besoin d’idéal philosophique. Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. La constituante est partie d’une nécessité qui s’imposait d’elle-même aux nouveaux législateurs, à savoir l’abolition du régime féodal. Ce régime gothique, issu de la société du moyen âge, était devenu en désaccord avec tous les faits sociaux. Comment un régime réel de l’anarchie et de l’état de guerre eût-il pu convenir à une société laborieuse, industrieuse, commerçante, pacifique, lettrée ? Un ordre social tout nouveau s’était formé peu à peu par le progrès naturel de la civilisation. Les institutions féodales subsistant encore étaient devenues, pour la société vraie et toute neuve qui s’était développée en dehors d’elles et au-dessous d’elles, des entraves intolérables. Il fallait s’en débarrasser. La révolution le fit, comme nous l’avons vu ; mais ce grand changement en appelait d’autres. En supprimant les formes de la société du moyen âge, il fallait les remplacer, et des questions nouvelles se posaient nécessairement. Parmi les droits liés à la féodalité, deux droits essentiels qui touchaient à la constitution de la famille, le droit d’aînesse et le droit de masculinité, avaient été abolis. Ces deux droits abolis, quels principes régleraient la succession des biens dans la famille ? Deux systèmes étaient en présence : l’un qui régnait dans les pays de droit écrit, c’est-à-dire soumis au droit romain, à savoir la liberté de tester, le droit du père de famille ; l’autre qui régnait dans les pays de droit coutumier et se cumulait avec le droit d’aînesse, à savoir le principe du partage égal, — car il ne faut pas oublier que le principe du partage égal n’est