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place Vendôme, les législateurs de l’Hôtel de Ville, les dictateurs du comité de salut public, les ordonnateurs des incendies funèbres, les généraux, les galonnés, les délégués ; une douzaine tout au plus., ils délibérèrent selon leur invariable habitude, se distribuèrent quelques fonds de réserve gardés avec soin et décidèrent que chacun d’eux, suivant son inspiration personnelle, ferait acte de combattant là où l’on combattait encore. Cela ne leur suffit pas ; ce n’était pas assez révolutionnaire. L’ennemi qui les entourait était nombreux, et, si leur exécrable cause leur eût tenu au cœur, ils auraient pu jusqu’au bout lutter et tomber pour elle ; mais non, la manie de l’imitation terroriste, le besoin de tuer encore les emporta, et, au lieu de prendre un fusil et de mourir enveloppés dans la sanglante guenille qu’ils nommaient leur drapeau, ils se mirent à rechercher ceux d’entre eux qui les avaient déjà et prudemment abandonnés. Où étaient Pindy, et Billioray, et Félix Pyat, et Cluseret et J. Vallès ? On voulut les retrouver à tout prix et quand même. Pour les conduire à la bataille ? Nullement ; pour les fusiller. On ne découvrit que deux pauvres diables d’agens inférieurs, un certain Richard, qui avait été délégué à la caserne du Château-d’Eau, un nommé Dudach, qui avait rempli nous ne savons quelle fonction subalterne, mais qui cependant s’était distingué à l’incendie de l’Hôtel de Ville ; tous deux furent « collés au mur » et mis à mort. Les partisans de toute perversion sociale ont reproché au gouvernement de Versailles d’avoir été cruel pour les « égarés » de ces mauvais jours ; le gouvernement légal a été moins sévère pour les communards que la commune elle-même. En fait, le 27 mai, celle-ci n’existait plus ; le comité de salut public lui-même, ce groupe « d’hommes de bronze et d’acier, » s’était évanoui. La veille, le comité central s’était saisi de la dictature ; on la lui avait livrée sans discussion. Le promoteur du 18 mars, le metteur en œuvre de toutes les horreurs où Paris succombait, revendiquait l’honneur de présider au dénoûment du drame odieux dont il avait joué la première scène.

La folie de destruction qui agitait ces aliénés atteignit alors son dernier épisode. Au matin de cette journée et sur la zone des fortifications qui va de la porte de Bagnolet à la porte de Pantin, les pièces de rempart retournées vers la ville furent pointées contre elle sous leur inclinaison maxima ; elles lançaient au hasard les projectiles dont on les chargeait à outrance, quitte à les faire éclater. Les soldats allemands, l’arme au pied, rangés dans les villages suburbains, regardaient avec stupeur cette dévastation prodigieuse et se félicitaient sans doute en reconnaissant que chez les populaces envieuses la haine sociale détermine plus d’énergie que le patriotisme. Pendant cette journée, où toute la lutte ramassée sur des points