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de l’armée du nord ni la jonction désormais certaine des légions de Labienus avec celles de César. La partie allait donc se rengager dans les mêmes conditions à peu près que lorsque César, peu de mois auparavant, avait quitté Agedincum (Sens) pour tomber avec toutes ses forces sur Genabum (Orléans) et Avaricum (Bourges).

Dans quelle position se trouvait Vercingétorix ?

La fortune de la guerre avait déjà trompé plus d’une fois ses calculs, et cependant les lignes principales de son plan de campagne demeuraient intactes, ou plutôt les événemens en avaient confirmé la justesse. L’armée romaine n’avait au fond rien gagné à ses victoires. Elle n’avait pu ni s’emparer de Gergovie ni s’établir dans Lutèce. L’été était venu. Il fallait continuer de gagner du temps pour qu’un nouvel hiver pût apporter son concours aux soldats de l’indépendance, et ce n’était pas impossible. Les faits avaient prouvé qu’en s’appuyant judicieusement sur un oppide bien défendu, l’armée gauloise pouvait affronter la stratégie romaine. Seulement il fallait persévérer dans la méthode expectante, refuser les grandes batailles, continuer cette guerre d’escarmouches qui ne pouvait manquer à la longue de détruire l’armée ennemie en détail. La défection des Éduens devait augmenter les embarras de César. Ceux-ci avaient agi avec le zèle et l’emportement des nouveaux convertis. Ils avaient pillé Cabillonum (Chalon-sur-Saône), marché fréquenté par les Romains, puis ils s’étaient jetés sur Noviodunum (Nevers), où César avait rassemblé ses otages, ses trésors, ses chevaux de remonte, ses blés, ses gros bagages ; ils en avaient égorgé la garnison, s’étaient partagé les chevaux et l’argent et avaient brûlé la ville. Quand Vercingétorix, invité par eux, se rendit chez les Éduens, il les trouva très disposés à mettre le sac de Nevers au premier rang des victoires remportées par le parti de l’indépendance et à s’ériger en directeurs suprêmes de la guerre. Vercingétorix refusa avec raison de partager avec eux le commandement. L’unité de direction était absolument nécessaire, et, pour mettre un terme à leurs doléances, il convoqua une assemblée générale de la Gaule à Bibracte, leur oppide central, situé sur le mont Beuvray, non loin d’Autun.

Cette attitude des Éduens compliquait singulièrement les affaires. Le jeune chef arverne allait se voir en face d’une opposition systématique, mal déguisée par les démonstrations d’un patriotisme plus bruyant, plus vantard, qu’efficace. Peut-être même serait-on en droit de lui reprocher de n’avoir pas prévenu par des mesures, qu’en ce moment nul n’eût osé lui reprocher, les intrigues et les perfidies du parti éduen. Ce parti n’était autre au fond que celui de la vieille oligarchie particulariste, à la fin entraînée par le courant national, craignant de se laisser déborder, prévoyant la défaite