Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comprend les agens inférieurs de l’exploitation, les chauffeurs et les gardes-freins dont les salaires varient de 50 à 60 dollars par mois, les aiguilleurs et hommes d’équipe : les conducteurs des trains n’en font pas partie, parce qu’ils sont considérés comme attachés au service commercial et parce que, leurs fonctions n’exigeant aucun apprentissage et aucune expérience pratique, ils peuvent être trop aisément remplacés. Cette association a été fondée par un chauffeur renvoyé du service de la compagnie du Fort-Wayne, nommé Ammon, et par un garde-frein de la compagnie de l’Érié, nommé Barney Donahue. Elle est calquée sur les trades-unions des diverses industries, et a, comme elles, pour objet essentiel l’organisation des grèves.

Dès que le rétablissement de la bonne harmonie entre les grandes compagnies eut éveillé les inquiétudes de leurs agens, et avant même qu’aucune réduction des salaires fût annoncée, des conférences eurent lieu à Baltimore entre les délégués du Baltimore et Ohio, du Central-Pensylvanien, du New-York-Central et de l’Erié, sur la conduite à tenir vis-à-vis des compagnies syndiquées. Les avis ayant été partagés, la décision fut remise à une nouvelle conférence, qui fut convoquée à Pittsburg et dans laquelle une grève générale fut décidée en principe. L’adhésion définitive des loges fut donnée, et les détails d’exécution furent arrêtés dans une dernière conférence tenue à Jersey-City, au mois de mai dernier. L’échec des grèves essayées à la fin de l’hiver dans la Nouvelle-Angleterre et sur la ligne du Potomac ayant démontré le peu de chances de succès d’une attaque isolée, toute grève partielle fut absolument condamnée comme un gaspillage des fonds sociaux. La grève devait être générale, afin de mettre les compagnies dans l’impossibilité de se venir en aide les unes aux autres. Cette grève générale aurait lieu, de toute façon, dans les premiers jours de l’automne, soit pour faire abandonner toute réduction de salaires qui viendrait à être annoncée par une compagnie, soit pour obtenir le rétablissement des salaires au taux de 1874. Toute réduction des salaires qui pourrait se produire dans le courant de l’été devrait être acceptée en silence jusqu’à ce que le comité central eût envoyé ses instructions. L’automne est en effet la saison où le trafic des chemins de fer américains devient le plus actif : c’est après la moisson et le battage des grains que les états de l’ouest commencent à expédier vers les côtes de l’Océan les produits de leurs récoltes et font en retour leurs acquisitions et leurs commandes. C’est aussi l’époque des grands transports, de charbon pour les approvisionnemens d’hiver. Les promoteurs de la grève générale calculaient que l’interruption du service au moment où le