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filles quelques philtres ou quelques charmes destinés à leur assurer la fidélité de leurs amans, à empêcher ceux-ci de contracter une union qui ruinerait leurs espérances. Nous trouvons dans les registres du Châtelet de la fin du XIVe siècle, publiés par M. Duplès-Agier, des exemples de telles condamnations. Mais les philtres vendus par les sorciers ou les sorcières n’étaient pas toujours, il faut en convenir, d’inoffensifs breuvages. Il y avait de ces imposteurs qui procuraient des moyens plus efficaces de se venger d’un amant ou d’une infidèle ; les philtres étaient alors de véritables poisons dont l’ignorance mettait l’effet toxique sur le compte du diable, et voilà comment le crime d’empoisonnement se confondit avec celui de magie. L’édit de juillet 1682 embrasse dans un même dispositif pénal les maléfices, diverses pratiques superstitieuses et les empoisonnemens. C’est à titre de sortilège que le crime de l’empoisonneur était, depuis le moyen âge, puni de la peine du feu. Ainsi périrent la Brinvilliers et la voisin.

La pureté de la morale chrétienne devait faire infliger des peines rigoureuses à ceux qui se rendaient coupables de divers désordres que la société païenne tolérait ou laissait impunis. L’église trouvait d’ailleurs dans la Bible la justification des châtimens terribles qu’elle autorisait contre les plus abominables de ces atteintes portées à la loi morale. Les Israélites participèrent dans le principe de la cruauté des peuples dont ils étaient entourés. Lors de la conquête du pays de Chanaan, ils ordonnent ces supplices féroces qu’avait imaginés le raffinement des Asiatiques. Sans imiter leur exemple, l’église subit cependant l’influence de la pénalité mosaïque et elle favorisa, en ce qui touchait les crimes contre les mœurs, une rigueur qui passa dans la législation criminelle de la société civile. Aussi le christianisme n’eut-il pas plus tôt pris possession du pouvoir impérial avec Constantin qu’apparut une pénalité empreinte du nouvel esprit. On voit alors la peine de mort prononcée pour le cas de rapt, lors même que la jeune fille a consenti à l’enlèvement. Par application d’un de ces châtimens symboliques dont il a été question ci-dessus, on versait du plomb fondu dans la bouche de la nourrice dont les intrigues avaient favorisé le séducteur. Un décret de Constantin ordonne que la femme libre, convaincue de s’être abandonnée à son esclave, soit mise à mort et que l’esclave périsse sous les verges et dans les flammes.

Sans doute on ne se montra pas à beaucoup près aussi inflexible dans les cas d’infraction à la sainteté du mariage, quoique la tradition germanique eût dû introduire une grande sévérité à cet égard. Dans la majorité des coutumes, c’était par un traitement ignominieux que les coupables étaient punis. La peine généralement usitée contre la femme adultère fut celle dite de l’authentique, du nom