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Par un adoucissement qui laissait percer le sentiment qu’elle avait de l’énormité d’une telle peine, la jurisprudence admit que, si le condamné à mort avait son domicile dans une province non soumise à la confiscation, non-seulement les biens qu’il possédait dans cette province en seraient exempts, mais que l’immunité s’étendait à ceux qu’il pouvait avoir dans des provinces même soumises au principe de la confiscation.

Cet aperçu des châtimens dont la législation de l’ancien régime frappait les crimes et les délits suffit à en montrer l’esprit. Malgré les atténuations, les adoucissemens que reçut la pénalité, soit en vertu des ordonnances, soit dans la pratique, surtout à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, la justice criminelle demeura empreinte jusqu’en 1788 d’un caractère de sévérité excessive, souvent même de barbarie. Eut-elle par cela même plus d’efficacité que n’en a la législation infiniment moins rigoureuse qui nous régit aujourd’hui ? Il est permis d’en qu’offraient encore, dès la tombée du jour, il y a moins d’un siècle, les rues de nos douter, et je ne puis que répéter ici ce que j’ai dit touchant la procédure. A en juger par le grand nombre de crimes que les documens originaux constatent, par le défaut de sécurité villes et nos grands chemins, ces châtimens excessifs n’épouvantaient guère les malfaiteurs et n’enchaînaient pas les instincts pervers. En général, ainsi que l’ont remarqué deux criminalistes que j’ai déjà cités, MM. Faustin Hélie et Chauveau Adolphe, les délits n’ont point varié à raison des peines, mais à raison des mœurs et des temps. C’est l’état social qui crée le milieu dans lequel s’engendre le crime. Sans doute, les penchans criminels, les passions mauvaises sont de tous les siècles et de tous les pays ; mais ils rencontrent, suivant les conditions où la société se trouve placée, plus ou moins d’incitations et de facilités pour se donner cours. Assurément la crainte du châtiment retient un grand nombre dans l’accomplissement de l’acte coupable, et cette crainte ne saurait exister si le châtiment ne présente pas une suffisante sévérité ; mais la rigueur avec laquelle il faut sévir doit être proportionnée aux sentimens et aux idées du temps. Des mœurs barbares donnent nécessairement naissance à une pénalité barbare, et peut-être faut-il reconnaître que, tant que cette barbarie subsiste, le châtiment doit garder, pour être efficace, cette dureté qui révolte les hommes de vie plus douce et d’habitudes plus civilisées. Quand le sens moral n’existe pas, quand la majeure partie des membres d’une société est étrangère à ces notions d’équité, à ce besoin de charité et de mansuétude qui prévalent chez les nations chrétiennes les plus avancées, une pénalité indulgente serait presque de l’impunité ; et c’était parce que l’ancienne société était plus rude et moins humaine que la nôtre qu’elle sentait la nécessité de