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finissent, par la critique, donnant à M. Ruskin et à M. Carlyle des conseils dont ceux-ci ne paraissent pas avoir tenu compte. Ce fut dans un journal de Glascow qu’il écrivit ses premiers articles dont il a maintenant le droit de se railler. Tous les sujets lui étaient bons alors, et comme il pouvait jouer sur le piano, avec les deux mains, le plus connu des airs écossais, il ne reculait pas à l’occasion devant l’appréciation des œuvres musicales. Il alla plus loin encore, dans un autre genre, et un jour il osa blâmer sévèrement dans les colonnes du Citizen la tactique de certain général américain. Il y gagna sans doute, quoiqu’il ne le dise pas, d’être envoyé en 1866 par le Morning Star en qualité de correspondant spécial sur le champ de bataille de Königgrætz. Deux ans après, il publiait un roman en trois volumes. Il n’est pas facile aux auteurs, même quand ils sont entourés de ces premiers rayons de la gloire dont parle Vauvenargues, de montrer de l’impartialité pour des essais restés dans l’ombre. On a toujours un faible à l’endroit des œuvres de jeunesse. M. William Black fait une exception à cette règle, et rien n’égale la bonne humeur avec laquelle il reconnaît que ses premiers livres n’étaient pas de purs chefs-d’œuvre. Il assure même que l’un d’entre eux, In silk attire, a eu plus de succès qu’il n’en méritait. Il est vrai que, à son avis, Kilmeny vaut mieux que sa réputation, ce qui rétablit l’équilibre. L’auteur cherchait encore sa voie ; il la trouva, en 1871, dans A Daughter of Heth.

On lit au chapitre vingt-septième de la Genèse que lorsque Jacob fut en âge de se marier, sa mère Rebecca, s’adressant à Isaac, lui dit : « Si Jacob prend pour femme quelqu’une de ces Héthéennes, comme sont les filles de ce pays, à quoi me sert la vie ? » C’est à ce passage de l’Ancien-Testament que M. William Black a emprunté son titre, mais ce n’est pas au pays de Chanaan qu’il a placé la scène de son récit. La fille d’Heth, dont il a tracé l’aimable portrait, n’est rien moins qu’une païenne du temps des patriarches, et quant à Jacob, c’est tout simplement un jeune garçon écossais. Miss Catherine Cassilis a eu pour mère une Française ; elle est née sur les bords de la Loire, entre tours et Saint-Nazaire ; elle a été élevée en France, et, peu après la mort de ses parens, elle est venue habiter, son éducation une fois terminée, chez son oncle, M. Gavin Cassilis, le ministre de la paroisse d’Airlie, non loin de Glascow.

Les romanciers anglais se plaisent souvent à transporter sur le sol humide de la Grande-Bretagne les fleurs poussées dans un terrain plus clément. Ils aiment à tirer parti de ces contrastes naturels et à peupler leurs fictions de Mignons plus ou moins sentimentales qui regrettent leur patrie. Depuis quelques années, la France leur a fourni dans ce genre un assez grand nombre de personnages. Malheureusement, quelque bienveillante que soit l’intention du