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essuie de gros temps, et le ministre met à profit l’occasion pour composer sur la tempête dont Jonas fut victime un sermon où ses paroissiens reconnaîtront un jour toute la vivacité d’une expérience personnelle, Sous l’influence bienfaisante de l’air marin, le Courlis lui-même forme de bonnes résolutions, déclare qu’il a déjà perdu trop de temps et débarque pour aller reprendre ses études médicales à l’université de Glascow. Seul, le propriétaire de la Caroline semble assez indifférent aux beautés naturelles dont il fait les honneurs aux hôtes de son bord, et c’est avec l’air d’un homme distrait qui pense tout haut plutôt qu’avec l’accent de la passion qu’un soir, tout en jouant avec une algue de mer, il conte son malheur à la nièce du ministre. Il lui décrit froidement, comme s’il s’agissait d’un autre, l’expérience psychologique qu’il a faite sur lui-même. Il ne lui demande qu’un peu de temps pour retrouver l’équilibre perdu de son âme. Un jour, quand à son tour elle sera tombée amoureuse de son beau cousin peut-être, il la plaindra comme elle doit le plaindre maintenant, quoique l’amour ne soit pas toujours un malheur. La jeune fille n’a pu s’empêcher de trouver l’histoire très triste. Elle l’est en effet et plus encore que son innocence ne le suppose, car lord Earlshope n’est pas libre. Dans ses voyages sur le continent, il a jadis rencontré une aventurière à laquelle, plein d’inexpérience, il a donné son nom et qui le déshonore maintenant par sa conduite.

Ce personnage désagréable ne fait qu’apparaître dans le roman ; on ne saurait s’en plaindre. Peut-être aurait-on plus de gré à l’auteur s’il avait bien voulu lui faire une place moindre encore. Il semble en effet d’autant plus inutile que tout à coup le romancier a l’air de le supprimer sans qu’on sache pourquoi. Il aurait dû commencer par là. Qu’importe après tout qu’à un certain moment lord Earlshope ait tout lieu de se croire enfin délivré du vivant témoignage d’une erreur de jeunesse : Coquette n’est-elle pas destinée par la force des choses à épouser son cousin ? Elle sait qu’elle-pourrait être heureuse avec celui qu’elle aime et le suivrait volontiers au bout du monde ; mais elle éprouve pour Tom Cassilis, ce grand garçon moitié enfant moitié homme, une compassion qui est plus forte que son amour. Elle se dit qu’elle ne doit rien à l’un et qu’elle ne peut se refuser à l’autre. C’est le récit de cette lutte entre un sentiment vrai et un devoir imaginaire qui remplit la dernière partie de l’ouvrage.

On a beaucoup admiré cette étude un peu subtile des scrupules de l’orpheline, et la figure de Coquette a déjà pris une place d’élite dans la galerie des héroïnes du roman contemporain. On en a même beaucoup voulu à l’auteur, — c’est un genre de reproche qui renferme en soi le plus grand des éloges, — d’avoir enterré