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seul train dans la gare de Pittsburg, avec des trains chargés de farines et de maïs. New-York commençait à être inquiet pour ses approvisionnemens, qui ne lui arrivaient plus que par des voies détournées : toutes les affaires commerciales étaient arrêtées, et une baisse effrayante se déclarait sur toutes les valeurs,


III

La grève s’étendait d’heure en heure. Le 20 juillet au soir, elle embrassait le réseau Baltimore et Ohio dans trois états, une partie du réseau pensylvanien et le réseau Erié ; le lendemain, elle avait gagné la Pensylvanie entière et atteint l’Indiana ; le jour suivant, elle était générale dans l’ouest, depuis Louisville, dans le Kentucky, jusqu’aux lacs, et ton appréhendait de graves désordres à Chicago, à l’extrémité du Michigan. A Cincinnati, le pont sur la rivière Mill était brûlé, et les wagons de provision, dont la gare aux marchandises était remplie, étaient mis au pillage ; ailleurs des trains de voyageurs étaient arrêtés et dévalisés. L’autorité fédérale, avec les faibles ressources dont elle disposait, serait-elle en mesure de lutter contre ce qu’on ne devait plus appeler une grève, mais une insurrection ? C’est ainsi en effet que le président Hayes envisageait les événemens dont douze ou treize états étaient le théâtre. Le ministre des finances, M. Sherman, qui avait été témoin des émeutes de Baltimore, insistait pour qu’on prît les mesures les plus promptes et les plus énergiques. Le conseil des ministres se réunissait tous les jours dans le cabinet du président. On tomba d’accord qu’il était impossible de considérer les troubles qui éclataient simultanément sur un aussi grand nombre de points comme des faits locaux à l’égard desquels il fallût attendre l’appréciation et l’initiative des administrations d’état. Il fut décidé qu’on réprimerait les désordres partout où ils se produiraient, sans attendre aucune réquisition des autorités locales. En conséquence, toutes les milices locales et tous les corps de volontaires devaient être mis sous les ordres des commandans des, forces fédérales. Le général Hancock fut chargé de prendre le commandement supérieur dans les états atlantiques, et d’appeler à lui les garnisons de toutes les forteresses de la côte de l’Océan : les équipages de la flotte et l’infanterie de marine furent mis à sa disposition. Le commandant supérieur de la région de l’ouest, le général Pope, qui était au fort Leavenworth, eut ordre de transférer son quartier-général à Louisville, et d’y amener avec lui toutes les troupes qu’il commandait ; il serait renforcé par les régimens que le président avait décidé de retirer de la Louisiane et des autres états du sud. Toutes les garnisons de la frontière du Canada devaient se concentrer à Chicago, sous