Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/793

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laminoirs et des nombreuses fabriques d’instrumens agricoles que Chicago renferme, puis des scieries. Partout le travail fut arrêté, et 30 ou 35,000 ouvriers sans ouvrage parcoururent la ville en bandes nombreuses : le quartier sud de la ville occupé par les scieries et les dépôts de bois, se trouva immédiatement en leur pouvoir, et ils y interdirent la circulation. Le lendemain, ils recommencèrent leurs promenades, maltraitant la police et comme cherchant à provoquer une collision. L’alarme était grande : c’est une opinion accréditée à Chicago que, si l’incendie qui a dévoré les trois quarts de la ville, il y a six ans, n’a pas été allumé par les agens de l’Internationale, il a été propagé et entretenu par eux comme un moyen de créer du travail : ce qui est certain, c’est qu’un grand nombre d’ouvriers, au lieu d’aider à arrêter les flammes, ne parurent occupés que de piller les quartiers envahis par l’incendie. Ces souvenirs éveillaient mille craintes : à quels excès de mauvais conseils ou l’ivresse ou un incident fortuit ne pourraient-ils pas pousser ces multitudes où tant de gens sans aveu étaient mêlés aux oisifs, aux désœuvrés et aux curieux ! Ne suffisait-il pas d’une seule mèche enflammée pour amener la destruction des soixante-dix elevators, ou greniers à blé, établis le long des quais, et qui reçoivent et expédient tous les ans 80 millions de boisseaux de blé ? tous les chefs des grands établissemens consignèrent leurs employés et leur distribuèrent des armes. L’autorité municipale armait la police, et enrôlait des constables spéciaux ; les vétérans de la guerre civile s’organisaient en compagnies pour coopérer au maintien de l’ordre. Les deux régimens de milice, recrutés dans la ville, étaient consignés dans leurs quartiers depuis quarante-huit heures ; mais ces forces n’étaient pas jugées suffisantes : on attendait des régimens de milice du dehors, et surtout des troupes régulières. Le commandant des, forces fédérales pressait l’arrivée des renforts qui lui étaient annoncés. Ces renforts, composés de cavalerie et d’artillerie, arrivèrent dans la nuit du 24 juillet. Le lendemain, on se crut en mesure d’agir : les points principaux de la ville furent occupés militairement, l’artillerie fut mise en batterie dans les voies les plus larges, et l’on entreprit de délivrer les quartiers où des assassinats et des vols commençaient à se commettre. Des collisions sanglantes eurent lieu sur plusieurs points ; vingt et une personnes furent tuées, quatre-vingt-douze reçurent des blessures graves : tous les rassemblement furent dispersés, et la liberté de la circulation fut rétablie. Les troubles recommencèrent le lendemain, mais avec moins de gravité. Néanmoins il fallut pendant plusieurs jours encore faire garder militairement les établissemens publics et multiplier les patrouilles : les troupes fédérales continuèrent de bivouaquer sur les places publiques. Les ouvriers qu’on avait violentés ou intimidés retournaient à