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d’utilité générale, routes, chemins de fer, lignes télégraphiques, qui ont été exécutés avec une rapidité prodigieuse, mais à grands frais, car on n’a pas eu ici la ressource du travail gratuit des convicts, et il a fallu avoir recours à un travail libre grassement rétribué, tout était à créer, il est vrai, mais on a voulu créer tout à la fois et sans délai, et on y a réussi ; l’avenir se chargera de dire si le peuple de la Nouvelle-Zélande n’a pas trop présumé de ses forces en s’imposant une dette aussi lourde. 17 millions sont un joli denier pour un pays où sur 50,000 habitations 48,000 environ sont construites en bois. On accuse un certain M. Vogel, homme politique entreprenant dont l’influence est grande en Nouvelle-Zélande, d’avoir poussé à outrance dans cette voie des dépenses, sans souci de chercher comment s’établirait plus tard l’équilibre des finances coloniales ; mais que prouve cette influence sinon que le peuple sur lequel elle a eu action était par tempérament disposé à la recevoir ? À cette promptitude impatiente qui cherche à gagner le temps de vitesse, à cette audace à escompter l’avenir pour le créer, vous pouvez deviner aisément une population où l’élément démocratique domine.

Il est vrai que les ressources sont grandes pour faire face à ces dépenses téméraires. La prospérité de la Nouvelle-Zélande est sans exemple dans le monde. Pour nous en rendre compte, il nous suffirait presque de cet extrait d’un rapport fait en 1871 par le gouverneur sir George Bowen sur les progrès accomplis en vingt-trois ans dans la seule province d’Otago. « Je trouve, d’après les statistiques, que dans ce laps de temps la population d’Otago s’est élevée à près de 70,000 habitans, que le revenu public ordinaire et résultant des terres excède 520,000 livres sterling, que le nombre d’acres affermés est au-dessus de 1 million, que le nombre des chevaux excède 20,000, celui du bétail à cornes 110,000, et celui des moutons 4,000,000. » Otago est, il est vrai, la plus riche des huit provinces de la Nouvelle-Zélande, mais les autres ne lui cèdent que de bien peu, s’il faut en croire le tableau que nous présente M. Reid de la prospérité générale de la colonie pour la fin de 1875. 2,377,000 d’acres de terres en culture, 494,000 bêtes à cornes, 99,000 chevaux, 124,000 porcs et 12,000,000 de moutons ; tel est le bilan sommaire des richesses agricoles et pastorales de la colonie. a cette richesse il faut ajouter encore, pour avoir une idée approximative des ressources de la colonie, les produits des mines d’or, peut-être plus opulentes que celles de l’Australie, et qui, bien que d’exploitation récente, — celles d’Otago ne sont exploitées que depuis 1860, et celles d’Auckland, dans le nord, n’ont pas été ouvertes avant 1868, — avaient déjà, produit à la fin de 1871 plus de 25,900,000 livres sterling (647,500,000 francs). La rapidité vertigineuse de cette prospérité a excité, nous dit M. Trollope, la jalousie des