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gouvernement qui ait été pratiquée parmi les hommes, la réalisation anticipée du bonheur social que d’autres recherchent dans des réformes dangereuses ou d’ambitieuses théories ? Assurément les institutions libres, mises en regard des lois qui régissent un état despotique, peuvent passer pour des privilèges ; mais au sens exact du mot, il n’y a point de privilèges quand un peuple avec son sol natal a hérité de ses ancêtres des institutions libres : ce sont alors des droits véritables, et ces droits, il lui est permis de les maintenir, de les défendre. Tel serait le cas du peuple basque : l’autonomie qu’il possède, il ne la doit à personne ; c’est celle qu’il s’est toujours connue, il ne l’a jamais compromise par des concessions ou des lâchetés, et, quand il s’annexait à la Castille, il prétendait non pas l’aliéner, mais bien plutôt la garantir. Aujourd’hui, fondée tout à la fois sur la tradition et sur les traités, elle est le fait qui existe, le droit qui s’impose et contre lequel ne sauraient prévaloir ni la volonté des rois, ni l’exemple des autres nations, ni les principes nouveaux des législations modernes.

Que les Basques aient formé à travers les siècles une nation distincte, indépendante de ses voisins, l’histoire est là pour l’affirmer. Sans remonter jusqu’aux Romains, nous les voyons, après la chute de la monarchie des Goths, pour tenir tête à l’invasion sarrasine, élire librement leurs señores ou chefs militaires. En Vizcaye, on adopte l’ordre héréditaire ; l’Alava au contraire conserve inaltéré le droit de la souveraineté populaire, la faculté de « changer de maître sept fois en un jour ; » du reste les trois provinces s’allient alternativement, selon qu’il leur plaît, aux deux royaumes voisins de Navarre et de Castille, mais en réservant toujours leur indépendance. Dans la première année du XIIIe siècle, Alphonse VIII assiégeait Vitoria, qui appartenait alors au roi de Navarre ; fort mécontens de ce dernier à cause de plusieurs atteintes portées à leurs libertés, les naturels du Guipuzcoa appelèrent le roi de Castille, proposant de lui remettre la province s’il les prenait sous sa protection. A cet effet, Alphonse VIII se rendit en personne à l’assemblée générale où les Guipuzcoans lui prêtèrent serment de fidélité ; en revanche ils exigèrent de lui la confirmation de leurs fueros. La réunion de l’Alava offre le même caractère spontané et volontaire. En 1332, séduits par le grand prestige que s’était acquis Alphonse XI, les nobles réunis en confrérie qui formaient le gouvernement de la province décidèrent de lui remettre toute la terre qui n’était pas du domaine royal et qui jusqu’alors vivait sous ses propres lois. A la prière de leurs délégués, le roi se rendit dans la plaine d’Arriaga, où se tenaient les assemblées, et qui avait donné son nom à la confrérie ; c’est là que de plein gré les Alavais lui