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les plus respectés du pays basque, don Pedro de Egaña et don Joaquin Aldamar, se levèrent successivement et reprirent un à un pour les réfuter les argumens de leur collègue. La discussion fut close par le président du conseil des ministres, M. Mon, qui déclara que le gouvernement avait vu sans plaisir prévenir son initiative et que cette fois encore il jugeait bon de renvoyer à des temps meilleurs le vote d’une loi de modification des fueros. Quatre ans après éclatait la révolution de Cadix, qui eut pour conséquence, au sud l’insurrection cantonaliste de Carthagène, au nord l’insurrection carliste ; mais, tandis que la première était bientôt réprimée, la seconde prenait peu à peu toute l’importance d’une véritable guerre civile. Dès lors, dans le public comme dans la presse, les fueros furent remis en question ; à toutes les accusations dont on les chargeait naguère s’ajoutaient de nouveaux et de plus sérieux griefs : « Ce sont eux, disait-on, qui sont la cause de la guerre en entretenant dans les provinces une force matérielle et morale dont elles abusent, un esprit d’indépendance et de particularisme qui tourne en haine ouverte au moindre prétexte. Tant qu’on n’aura point supprimé les fueros, il n’y aura pas en Espagne de paix durable. Or l’occasion ne saurait être plus propice. En dépit de l’extrême condescendance dont on faisait preuve à leur égard, les Basques ont pris de nouveau les armes contre la mère patrie ; pour les réduire, celle-ci s’est résignée aux plus cruels sacrifices ; un jour ou l’autre, ils seront vaincus. Ne saura-t-on pas alors profiter de la victoire ? verra-t-on se renouveler les scandales de Vergara ? verra-t-on libres de tout impôt, exemptés de la conscription, ceux mêmes par qui les charges de l’état se sont effroyablement accrues et qui, sans remords, ont versé à flots le sang espagnol sur tant de champs de bataille ? Et qu’on n’allègue plus les conventions passées ni le contrat bilatéral qu’ils ont été les premiers à rompre ; ingrats et rebelles, ils doivent être traités comme tels, et, puisque ce sont les fueros qui leur tiennent le plus au cœur, c’est dans les fueros, en plein cœur qu’il faut les frapper. La justice et la sécurité de l’Espagne l’exigent également. »

Ainsi s’exprimaient les adversaires des provinces ; mais où voit-on que les fueros aient été la cause de la guerre ? Les Catalans depuis près de deux siècles ont perdu les leurs ; est-ce que les Catalans ont cessé pour cela de se révolter ? La Navarre depuis l’accord de 1841 paie à l’Espagne l’impôt du sang et de l’argent ; est-ce que toute insurrection est devenue impossible en Navarre ? A partir du convenio, l’attitude des provinces basques avait toujours été franche et loyale, malgré les soulèvemens qui éclataient à chaque instant à Barcelone, à Valence, à Madrid, à Malaga, et cette fois