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criminelles que les gens de la commune semblent avoir recherchées avec passion. Dans les deux sièges, dans celui que nous avons soutenu contre les armées de l’Allemagne, dans celui que la France fut contrainte d’entreprendre pour ressaisir sa capitale abandonnée à l’ineptie violente et triomphante, le rôle des marins a été au-dessus de tout éloge.

Les brutales mascarades dont Paris était le théâtre avaient fatalement abouti à la journée du 18 mars, journée misérable entre toutes, où la confusion des ordres, l’absence de prévoyance, la faiblesse coupable du gouvernement d’une part, et de l’autre les bas instincts populaires développés par les orateurs de clubs, surexcités par les venimeux écrivassiers de la presse insurrectionnelle, semblaient s’être donné le mot et avoir fraternellement réuni leurs efforts pour faire à la civilisation une mortelle blessure. Il n’y a plus à revenir sur cette déroute de la légalité, sur cette victoire de la révolte dont les résultats lointains se feront sentir longtemps encore et dont le résultat immédiat fut l’abandon de Paris qui impliquait la retraite de toutes les administrations. Le ministère de la marine fut soumis au sort commun, et devint désert. Le ministre, les directeurs, les chefs de division, les principaux employés avaient suivi à Versailles le chef du pouvoir exécutif. Le poste militaire s’était replié derrière l’armée, la garde nationale ne l’avait pas encore remplacé. Le ministère ressemblait à un grand hôtel dont les maîtres sont absens ; il devenait la demeure de quelques commis inférieurs, de garçons de bureau, du concierge, imperturbablement resté fidèle à son devoir. Un chef de service cependant, ayant son logement au ministère, ne s’était pas joint au mouvement de retraite ordonné sur Versailles, car il avait une responsabilité spéciale qu’il ne lui convenait pas de décliner : c’était le chef du matériel, M. Gablin.

La retraite des marins s’était effectuée en bon ordre ; le gouvernement, sachant bien qu’il pouvait s’appuyer sur eux, les avait attirés à lui à Versailles, où l’on avait pu, en temps utile, transporter la caisse du ministère. Le ministre lui-même, M. le vice-amiral Pothuau, n’avait quitté Paris que longtemps après M. Thiers ; il prit les dispositions qui pouvaient encore concourir au salut commun, assista au dernier conseil qui se tint au ministère de l’intérieur, dans le cabinet de M. Calmon, secrétaire-général, et partit pour Versailles, le 19 mars, vers deux heures du matin. Mais, avant de s’éloigner, il put donner ses ordres au capitaine de vaisseau de Champeaux, homme froid et très énergique, qui en réalité représenta le ministre de la marine à Paris pendant toute la durée de l’insurrection. Celle-ci triomphait ; elle couvrait les murs de placards, battait la grosse caisse révolutionnaire et semblait s’apaiser