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commencés sous sa direction[1]. Le laboratoire de physiologie du Collège de France ne néglige pas non plus les ressources que la photographie offre pour l’étude des objets de très petite dimension.

Le docteur Duchenne, de Boulogne, a employé ce moyen pour représenter les résultats de ses célèbres recherches sur les mécanismes musculaires de la physiognomie humaine dans ses rapports avec les diverses passions ; il a reproduit dans une série ae planches les effets qu’il obtenait en provoquant, soit par le courant électrique, soit par d’autres excitans, la contraction de chacun des petits muscles cachés sous la peau de la face, et il est parvenu ainsi à démêler les touches du clavier musculaire qui sont au service de chaque passion déterminée. C’est la vue de ces planches qui a inspiré à M. Darwin ses propres recherches sur l’expression des émotions chez l’homme et chez les animaux. M. Darwin, comme l’on sait, ramène les jeux de physionomie, actuellement involontaires, à des mouvemens qui dans l’origine étaient volontaires et motivés. L’ouvrage qui contient l’exposé de sa théorie de l’expression est orné de nombreuses photographies d’après nature, où les émotions que le visage peut trahir sont saisies sur le vif.

C’est ici le lieu de dire encore un mot de la « photographie de l’invisible, » qui repose sur l’inégale action des différentes couleurs. La faiblesse de l’action des rayons jaunes fait que les cheveux blonds paraissent noirs sur l’épreuve, que les taches de rousseur sont trop accusées, que de légères, taches jaunes, invisibles à l’œil, sont révélées par la plaque sensible. « On photographiait il y a quelques années, dit M. Vogel, une dame dont les portraits étaient toujours bien venus. A la surprise de l’opérateur, le visage, dans le portrait, parut couvert de taches dont l’original ne présentait aucune trace ; le lendemain, elles apparurent très nettement, et cette dame mourut de la petite vérole. La photographie avait devancé la vue et reconnu avant celle-ci des taches d’un jaune très faible. » Peut-être y a-t-il dans ce fait d’observation le germe de quelque application médicale.

Je n’insisterai pas ici sur les innombrables usages pratiques auxquels se prête encore la photographie : l’instruction judiciaire y trouve le moyen d’établir une identité, de représenter au jury le théâtre d’un crime, d’expédier à un absent le fac-similé d’une fausse signature ; en photographiant les accidens de chemin de fer, les sinistres causés par des orages ou des incendies, on facilite l’enquête à laquelle se livreront les compagnies intéressées, etc. Tout cela nous entraînerait hors de notre sujet. Contentons-nous de

  1. En 1861, M. Czermak avait déjà présenté à notre Académie des sciences des photographies stéréoscopiques du larynx.