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se rendant prisonniers. Cette sotte équipée lui avait démontré qu’il ne suffit pas de porter des galons pour savoir diriger une retraite, et il s’était confiné dans ses fonctions de policier pour lesquelles il paraît avoir eu du goût. Il fut activement mêlé à la mission révolutionnaire qui fut confiée à Landeck et à Mégy pour établir la commune à Marseille[1].

Raoul Rigault, quoique devenu procureur-général, tenait à être renseigné sur les actes et les tendances de chaque administration ; il avait des agens à la guerre, à la justice, aux finances, il voulut en avoir un à la marine et y envoya Landowski, avec mission occulte de surveiller Latappy, ses différens chefs de service et de rendre compte de sa conduite, de sa correspondance et des propos de tous les fonctionnaires réguliers, médecins, chef de matériel et autres. Il fut deviné et ne put rien apprendre, car l’on se tint vis-à-vis de lui dans une attitude assez correcte pour déjouer tous les soupçons.

Ce Landowski représentait une sorte d’inconvénient moral auquel on put se soustraire ; les travaux de défense construits autour de l’hôtel de la marine créaient un inconvénient matériel insupportable, car ils y amenaient une grande quantité d’ouvriers, de fédérés soupçonneux, ignares, et qui, eux aussi, demandaient à voir l’entrée du souterrain. Il y eut plus d’une lutte à soutenir contre ces brutes, et M. Le Sage, le concierge, avait fort à faire pour les empêcher d’encombrer la cour dont ils auraient voulu faire leur quartier-général. C’était l’heure où Napoléon Gaillard, pétillant de bêtise, cordonnier par vocation, barricadier par tempérament, avait été chargé d’élever la redoute de la rue Saint-Florentin et la vaste barricade qui, englobant l’issue de la rue Royale, menaçait la place de la Concorde, le pont, le Corps législatif, le Palais-Bourbon et le ministère des affaires étrangères. Ce fantoche, qui, comme Ferré, comme Duval et tant d’autres, devait sa réputation révolutionnaire à la manifestation faite en décembre 1869 sur la tombe de Baudin, commandait la construction d’une barricade comme on commande un assaut, la main sous le revers de

  1. J’en trouve la preuve dans les papiers oubliés par Landowski au ministère de la marine : Note pour les frais de délégation du citoyen Landeck près la ville de Marseille. Frais de séjour à 10 fr. 150 fr. ; voyage de Paris à Marseille et retour ; voyage par Draguignan pour dépister les poursuites, 167 fr. 65 c ; avances diverses faites aux agens chargés de fournir les renseignemens sur la réaction et les mouvemens de troupes, 125 fr. ; avances pour la nourriture des soldats isolés et des caïmans (soldats de marine), 175 fr. Total : 617 fr. 65 c. Reçu du citoyen Amourous, 100 fr. ; reste dû : 217 fr., plus 15 jours d’indemnité à raison de 5 fr. par jour : 75 fr. Total 292 fr. 65 c. Je vois en outre plusieurs notes prescrivant de surveiller diverses maisons de Paris, où l’on soupçonnait des officiers de marine de se cacher.