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canonniers, fusiliers marins, furent appelés à Paris, mis en garnison dans les forts, dirigés sur les points menacés par la marche en avant de l’ennemi, ou envoyés en province pour grossir et fortifier les armées que l’on comptait y lever. Ce que ces hommes ont été pendant la guerre, toute la France le sait et leur en garde une reconnaissance inaltérable. Ils ont combattu partout, ont tout supporté avec un calme héroïque et ont accompli sans murmurer des marches forcées que leurs habitudes nécessairement sédentaires leur rendaient extraordinairement pénibles. Au milieu de nos forces vives désagrégées par la défaite, la captivité, la révolte et l’ivresse, la marine représentait une force intacte que l’insurrection avait sollicitée sans pouvoir l’entamer. Malgré les nombreux combats auxquels elle avait pris part et où elle ne s’était point ménagée, elle formait une sorte de réserve sur le dévoûment de laquelle on pouvait absolument compter.

On peut dire qu’après le 18 mars la France était réfugiée et concentrée à Versailles. Là était l’assemblée, là était le gouvernement légal, là battait le cœur du pays. Pour mettre fin à la guerre civile déchaînée par d’impuissans ambitieux, pour sauver une nation qui se sentait mourir sous les coups redoublés de l’ennemi et de la perversité sociale, ce n’était pas trop de réunir tous les élémens de combat dont on disposait encore et de les grouper dans un effort suprême dont le salut pouvait sortir. C’était là une affaire de famille qui ne regardait que nous, et l’on dut tout d’abord refuser les offres de l’Allemagne victorieuse, qui proposait de réduire la révolte et de faire au besoin subir à Paris une exécution militaire. On se contenta de solliciter d’elle et d’obtenir le retour de nos soldats prisonniers au-delà du Rhin. La capitulation de Sedan, la capitulation de Metz, avaient privé la France de ses armées, qui, du moins, allaient réapparaître assez compactes et assez solides pour arracher le pays à la mort violente dont il était menacé. On hâtait le retour de ces pauvres gens qui avaient tant souffert et qui ne demandaient qu’à souffrir encore pour la cause qu’ils avaient à défendre. Des généraux furent envoyés à différens points de nos frontières pour recevoir et enrégimenter ces hommes dont une longue, une douloureuse captivité n’avait point émoussé le courage. Il fallut du temps, bien du temps pour rassembler ces débris épars et en composer des corps capables de résistance et d’offensive. Dans les premiers momens qui suivirent la victoire de l’insurrection, un grand trouble avait envahi les esprits et plus d’un officier général parut douter du succès définitif. Au point de vue exclusivement militaire, la situation n’était pas bonne. Le droit était à Versailles, il est vrai, et le crime était à Paris, mais Paris regorgeait de troupes, d’artillerie et de munitions.