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du levier cesse, celle du ressort recommence, les pointes se replacent en contact, et l’effet se reproduit.

Malgré tous les soins qu’on donne à la construction des régulateurs, il est évident que la solution qu’ils apportent est incomplète. Ils laissent les charbons en repos pendant que la distance des pointes augmente jusqu’à une limite déterminée. Pendant tout ce temps, le courant diminue et la lumière baisse ; puis tout à coup survient un rapprochement brusque qui produit dans le régime de la lumière une modification subite, plus ou moins profonde, et qui, renouvelée à de courts intervalles, nuit à la fixité de l’éclairage et a été jusqu’à présent un obstacle à l’emploi de l’électricité.

Toute lampe veut une mèche. Celle des régulateurs est composée de deux charbons qu’on ne peut préparer avec trop de soin et qui ont exigé presque autant d’essais que les appareils eux-mêmes. On les a d’abord taillés en longs crayons dans les dépôts durs qui s’accumulent au fond des cornues où l’on prépare le gaz d’éclairage ; puis on les a formés directement en comprimant du charbon pur sous la presse hydraulique. M. Edmond Carré a imaginé de les imbiber de sirop de sucre, de les faire cuire au rouge pour transformer ce sirop en charbon, qui remplit les interstices et augmenté la densité. Répétée plusieurs fois, cette opération a donné des crayons très régulièrement moulés, très durs, sonores et brillans comme des métaux. Enfin M. Reynier vient de les couvrir d’une couche de nickel, qui brûle difficilement à l’air, qui les préserve et en retarde la combustion jusqu’à l’extrémité même. Malgré toutes ces précautions, une lampe use 40 centimètres de charbon par heure, ce qui ne laisse pas d’être une dépense. Par l’histoire de tous ces essais, on voit à quel prix l’industrie achète les applications des sciences. Que de temps dépensé, que d’efforts accumulés pour vaincre les rébellions de la matière ! et, pour quelques succès rares, que d’illusions continuées, malgré l’évidence, jusqu’à l’absurde et quelquefois jusqu’à la folie ! Mais rien ne corrige les hommes de l’esprit d’invention.

Pendant que des mécaniciens cherchaient des régulateurs, un jeune officier russe, M. Jablochkof, trouvait le moyen de s’en passer. Venu à Paris pour travailler les applications scientifiques, il reçut l’hospitalité dans un atelier où elle n’est refusée à personne, chez M. Breguet, et là, après quelques essais, il imagina de placer côte à côte et verticalement deux crayons de charbon, séparés par une petite lame de plâtre et réunis à leur sommet par deux pointes. Le courant électrique entre par l’un d’eux, sort par l’autre et allume d’abord le sommet. Une fois mis en train, l’arc échauffe la