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L’arc s’allume et s’éteint à chaque changement de direction avec un petit bruit à chaque fois. Périodiquement renouvelé à périodes égales, ce bruit devient un son : c’est le même que rend la machine, et quand on met les bougies dans les globes, ceux-ci forment des résonnateurs et exagèrent la note. La machine Gramme seule fournit une lumière silencieuse, parce qu’elle n’a point d’inversion dans le sens des courans. A côté de cet inconvénient dont on ne peut dissimuler la gravité, il faut dire à la décharge de l’arc électrique qu’il n’altère point la composition de l’atmosphère et ne développe point de chaleur.

Dans les flammes ordinaires, la production de lumière est un phénomène secondaire qui accompagne la combinaison chimique du combustible avec l’oxygène de l’air. Cette combinaison a le double inconvénient d’enlever à l’atmosphère la partie respirable et de la remplacer par de la vapeur d’eau et de l’acide carbonique. Ce dernier, bien qu’il ne soit pas aussi malfaisant qu’on l’avait cru, n’a cependant pas très bonne réputation, et ce qu’on peut dire de mieux en sa faveur, c’est qu’il ne tue pas. L’éclairage ancien a donc le grave inconvénient d’altérer l’air. Il n’en est pas de même du nouveau, qui n’est pour rien dans les changemens de composition du milieu respirable. La combinaison chimique mérite encore un autre reproche. En même temps que la lumière, elle développe une telle chaleur qu’elle rend les ateliers inhabitables. L’arc électrique au contraire n’est pas chaud ; c’est une circonstance bien étonnante au premier abord. Puisque, suivant l’expression de Davy, le platine fond comme de la cire quand on l’introduit dans l’arc, il faut que la température y atteigne au moins 1,500 degrés. Il est certain qu’elle dépasse de beaucoup ce taux, car tous les corps connus se fondent ou se volatilisent ; suivant Despretz, le charbon lui-même se ramollit et coule dans l’arc d’une pile de 600 élémens. J’ai l’honneur d’être, à la Sorbonne, le successeur immédiat de Despretz, et quand j’ai pris possession du laboratoire d’où la mort venait de le chasser, j’ai trouvé, conservés sous un globe de verre, les précieux fragmens de charbon qui avaient éprouvé cette fusion ; c’étaient des charbons obtenus par la calcination du sucre, contenant peut-être quelques restes de carbures d’hydrogène qui ont pu n’être pas sans influence sur le ramollissement de la masse ; si la question est résolue pour ces échantillons, elle ne l’est peut-être pas pour le charbon pur. Quoi qu’il en soit, l’expérience de Despretz prouve que la température de l’arc dépasse celle de tous les foyers connus, comme toute évaluation possible.

Quant à la température des flammes du gaz ou de l’huile, elle est beaucoup moins élevée, elle atteint à peine 800 ou 900 degrés : le