Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échauffante que celle des lampes. Il faut à présent aborder une question plus positive, celle du prix de revient, chercher ce qu’elle prend de force, ce qu’elle dépense d’argent. Toute production coûte ; rien ne naît de rien. Nous transformons en lumière le travail des machines à vapeur ; quels sont les frais de cette transformation ? Foucault fit un jour la célèbre et remarquable expérience qui suit. Au moyen d’une manivelle et par une série d’engrenages, il fit tourner un disque de métal entre les extrémités d’un électro-aimant qu’on pouvait laisser à l’état naturel, ou aimanter fortement par le passage du courant d’une pile : tant qu’il n’y avait point de magnétisme, le disque continuait sa rotation par la vitesse acquise ; il s’arrêtait tout à coup par l’aimantation du fer doux, et quand on voulait ensuite continuer le mouvement, il fallait peser sur la manivelle, vaincre une résistance et dépenser du travail ; c’est qu’alors on faisait naître des courans d’induction dans le disque, et qu’on ne peut les continuer sans faire cette dépense. J’ai dans mon laboratoire un moteur à gaz du système Hugon, dont la force est égale à trois chevaux, et qui est attelé à une machine Gramme ; il donne à cette machine, presque sans dépense, une vitesse de mille tours tant que les extrémités du circuit ne sont point réunies et qu’il n’y a pas de courant ; mais aussitôt qu’on ferme le circuit et que le courant passe, le moteur peine, s’alourdit, se ralentit ; on sent qu’une résistance considérable a été introduite dans le jeu des instrumens. Avec un frein, il est facile de mesurer la dépense de travail ; elle est énorme quand le courant est fort, elle diminue quand il s’affaiblit, elle est nulle s’il cesse ; elle est, dans tous les cas, représentée par l’effet produit. La force vive s’est transformée en électricité, et l’on peut en inférer que cette chose si merveilleuse et si inconnue que l’on nomme électricité ne diffère pas du mouvement, qu’elle en est une forme spéciale accomplie dans la matière ou dans l’éther ; chose inconnue aujourd’hui comme l’est au voyageur la contrée dont il approche, qu’il verra le lendemain, et dont il devine déjà les contours lointains et les conditions générales. A son tour, cette forme du mouvement que nous avons nommée électricité subit une seconde transfiguration dans l’arc électrique pour devenir de la chaleur et de la lumière ; de sorte que, si l’on fait abstraction de l’acte intermédiaire pour ne considérer que les deux phénomènes extrêmes, on peut dire que le travail moteur est finalement représenté par des vibrations de l’éther, et que la force vive empruntée à la machine à vapeur se retrouve entière dans l’arc.

Il faut donc renoncer aux fluides électriques et à tout cet échafaudage d’hypothèses que nous ont léguées les physiciens du siècle