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s’appuie sur un matelas de bois dont l’adjonction n’est pas indifférente, car souvent un projectile s’y loge sans pénétrer plus avant après avoir usé sa force dans son parcours. A bord du vaisseau construit à la Spezzia, le matelas a 50 centimètres d’épaisseur. Quant à la cuirasse de fer, elle descend à près de 2 mètres au-dessous de la flottaison, et cette partie, qui contient les chambres de chauffe et des machines, les soutes à poudre et les mécanismes des tourelles et de l’artillerie, est ainsi très protégée. Enfin le gouvernail est profondément immergé. Voici donc un vaisseau qui réunit des conditions de force pour l’attaque et de puissance de résistance qu’on n’avait pas encore atteintes. Il serait à peu près invulnérable, s’il n’avait pas son talon d’Achille : le pont du bâtiment, qui est faiblement garanti, quoiqu’on l’ait couvert d’un blindage : cuirasse insuffisante pour résister à l’effet des obus même d’un médiocre calibre.

Reste la vitesse. Le Duilio atteint 14 nœuds. C’est assez pour un vaisseau de cette classe qui n’a pas pour spécialité de donner la chasse et ne doit jamais prendre la fuite. Quant à la facilité d’évolution, nous n’avons pas vu qu’on l’ait éprouvée par des essais particuliers à bord du vaisseau italien. En somme, des pièces de 100 tonnes, des projectiles de 1,000 kilogrammes, une cuirasse de 50 à 55 centimètres, sans compter le matelas, une vitesse de 14 nœuds, telles sont les facultés de ce navire-type dont le ministre de la marine d’Italie n’a pas craint de dire : « Le Duilio est le plus puissant des cuirassés existant aujourd’hui. » Il nous servira de point de comparaison avec les flottes de Russie et de Turquie, dont il est temps de décrire les forces.

La flotte cuirassée de Turquie se compose de trois vaisseaux de premier rang : Mesoudieh, Memdouhied, Nousretieh ; les deux premiers ont chacun douze canons de 27 centimètres, pesant 18 tonnes, et neuf d’un calibre inférieur ; en tout vingt et un canons à bord. Les mêmes bâtimens sont garantis par une muraille de fer dont l’épaisseur au centre est d’un peu plus de 32 centimètres, mesure française. Ils ont été construits en Angleterre sur les chantiers de Iron Thames Works. Le Nousretieh a dix canons de 25 centimètres, pesant 12 tonnes, et huit de moindre calibre ; en tout dix-huit. Ses plaques de fer ont 27 centimètres. Il a été construit à Constantinople. Après ces trois vaisseaux viennent cinq bâtimens de deuxième rang : Azizieh, Orkhanieh, Mahmoudieh, Osmanieh, Assari-Tevfik. Les quatre premiers ont chacun deux canons de 25 centimètres, pesant 12 tonnes, placés sur plates-formes tournantes, et quatorze pièces d’artillerie de 7 pouces, pesant 6 tonnes 1/2, canons dits de 20 centimètres, soit seize canons à bord. Quant à l’Assari-Tevfik, on l’a conçu et armé sur des plans différens. Il a huit canons de