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moment encore les cantons revendiqueraient les chemins de fer qui les traversent et ne les abandonneraient point au pouvoir fédéral.

Examinons maintenant la situation des chemins de fer suisses. Elle est fort triste au point de vue de la rémunération du capital consacré à leur construction. Le nombre des lignes concédées dépasse de beaucoup le nombre qui était nécessaire au trafic général actuel du pays. Cette exagération est due à deux causes. En premier lieu, chaque canton, — état souverain, — a voulu avoir ses lignes, et on est arrivé à avoir deux et même trois chemins desservant une même direction générale. Il y aura bientôt trois chemins entre Lausanne et Soleure, quand deux ont de la peine à vivre. En second lieu, une grande partie du capital actions et obligations des premières sociétés de chemins de fer a été fournie par les places étrangères : Paris, Londres, Francfort. La pensée de ruiner des souscripteurs étrangers n’a pas toujours suffisamment touché les autorités locales, et on aurait moins multiplié les concessions si le pays avait supporté les pertes causées par cette multiplicité même. En fait, le réseau général des chemins suisses s’élevait, au 1er juillet 1877, à 3,128 kilomètres, savoir :


Lignes en exploitation 2,317 kilomètres
Lignes en construction 281
Lignes concédées 530
3,128 kilomètres

En supposant que toutes les lignes concédées s’exécutent, et cela est douteux, l’importance kilométrique du réseau suisse ne dépassera pas l’importance du réseau d’une des six grandes compagnies françaises, et nous dirons pour la Suisse ce que nous avons dit pour la Belgique : il est impossible de trouver dans ces deux pays des règles applicables à un réseau de 24,000 à 25,000 kilomètres.

Avant l’année 1870, le réseau des chemins de fer suisses était à peu près exclusivement représenté par quatre groupes : le Central-Suisse, possédant les lignes qui, de Bâle, se dirigent sur la Suisse centrale : Bienne, Berne, Thun., Lucerne et Brugg ; de Nord-Est-Suisse, possédant les lignes qui rayonnent autour de Zurich ; l’Union-Suisse, formée des lignes tracées dans l’est et desservant les bords du lac de Constance, Saint-Gall, Glaris et Coire ; l’Ouest-Suisse enfin, qui avait réuni les lignes tracées le long des lacs de Genève et de Neufchâtel, les lignes de Fribourg et du Valais. Les deux premières sociétés, après des commencemens difficiles, étaient arrivées à une grande prospérité ; les deux autres, au contraire, vivaient fort péniblement ; les actionnaires ne recevaient aucun dividende, et la situation des obligataires était mai assurée. La reprise des affaires, après les événemens de 1870-1871, fut extrêmement