Celui qui écrit ces lignes se souvient parfaitement d’avoir, à Bâle, sa ville natale, alors qu’il y faisait ses premières études, entendu son professeur d’histoire expliquer avec complaisance à ses élèves que la cité voisine, Mulhouse, avait jadis formé, pendant un long espace de temps, un petit état indépendant, rattaché par les liens de la plus étroite alliance aux cantons de la Suisse. Venait-il à s’animer un peu, notre maître ajoutait volontiers, non sans une pointe de tristesse, que, si la fortune n’était pas devenue contraire, cette contrée si proche et si amie aurait pu être appelée, pour son plus grand bonheur, à faire partie intégrante de la libre Helvétie. À l’université d’Iéna, j’ai plus tard entendu sur le même sujet une autre leçon. Là j’ai appris que l’Alsace tout entière, ainsi que la Lorraine, antiques possessions de l’empire d’Allemagne, avaient depuis tantôt deux siècles manifestement manqué leur véritable destinée, par suite de méprises étranges, également contraires aux saines données de la logique et au progrès rationnel du développement historique. Plus sûr de l’avenir que mon compatriote, le petit professeur de Bâle, sujet à courber son esprit timide devant les faits accomplis, le puissant généralisateur qui tenait à Iéna la chaire de la philosophie de l’histoire ne se sentait pas gêné pour si peu que l’occupation deux fois centenaire de Metz et de Strasbourg par les Français. En termes un peu vagues, mais solen-