Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
451
L’ALSACE-LORRAINE.

saire de sa fondation, a déployé les bannières de ses corporations, et les sociétés chorales et guerrières que compte la colonie allemande ont été heureuses d’en faire autant sur le passage de leur souverain. De son côté, la délégation des conseils-généraux, connue sous le nom de Landesausschuss, fière de ses nouvelles prérogatives, a profité de l’occasion pour se porter au-devant de sa majesté, et l’on a vu de même des députations de maires de campagne se joindre, sous la conduite de leurs Kreisdirektoren, au flot qui s’est pressé sur les pas de l’empereur afin de lui rendre hommage. Les habitans du pays de Bade, du Wurtemberg, du Palatinat et de la Prusse rhénane n’ont pas manqué d’accourir en foule pour diaprer de leurs pittoresques costumes la masse tant soit peu sombre des fonctionnaires et fournisseurs de cour qui sont venus, avec un ensemble dont nous ne nous tirons pas aussi bien dans les pays à traditions républicaines, saluer de concert leur souverain « couronné de victoire. »

Seules toutefois les villes de Strasbourg, de Metz, de Bitche et de Thionville ont assisté à ce spectacle, si fatalement troublé (on se le rappelle) par l’incendie de l’antique cathédrale de Metz, car l’empereur s’est borné à se rendre de l’une à l’autre de ces places fortes dont le ministre de la guerre et le maréchal de Moltke lui ont fait les honneurs, en jetant au passage un coup d’œil sur le camp retranché nouvellement établi aux approches de Haguenau. Il s’est probablement rappelé que, s’il est le chef suprême de l’armée, il n’est après tout qu’un empereur constitutionnel. À quoi lui aurait-il servi de pénétrer plus avant au milieu de ces populations dont il se reconnaissait impuissant à satisfaire les vœux ? Par la situation particulière qui a été faite à l’Alsace-Lorraine au sein du nouvel empire, le sort de cette province et de ses habitans dépend de tant de souverains, de tant de corps constitués, de ministres et de bureaucrates que M. Herzog, directeur à la chancellerie impériale, en est plus le maître que l’empereur lui-même. Or ni M. Herzog ni M. de Bismarck, déjà retiré dans ses terres, n’ont accompagné sa majesté. C’est apparemment la raison pour laquelle le voyage impérial s’est à peu près réduit à une visite d’inspection des principales forteresses du nouveau boulevard de l’Allemagne. L’empereur n’a pu d’ailleurs emporter de cette tournée que d’excellentes impressions sur l’état de défense où se trouve ce pays, grâce aux 400 millions de francs qui ont été consacrés depuis 1872 à y développer les ouvrages fortifiés et les lignes de fer stratégiques. S’il avait eu le temps de parcourir aussi une partie de la chaîne des Vosges pour se rendre à Sainte-Odile, comme le comportait le programme primitif, il aurait eu occasion de constater, chemin faisant, avec quelle remarquable entente des besoins stratégiques ces montagnes ont été