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manqué à leurs devoirs envers ces partis en leur refusant patriotiquement l’occasion de troubler le pays par des luttes à outrance et des tentatives de coups d’état ? Les constitutionnels n’ont fait que suivre la logique de leurs opinions dans le mouvement de scission qu’ils viennent d’accomplir, et, en reprenant leur indépendance au lendemain d’événemens douloureux qui ont mis à nu toutes les incompatibilités, ils restent ce qu’ils étaient, des conservateurs libéraux décidés à servir le pays sans arrière-pensée, sans parti-pris, sous la république comme sous la monarchie. L’essentiel pour eux est de maintenir la position qu’ils ont prise ou acceptée et de ne pas se laisser émouvoir par cette considération qu’ils ne forment qu’un petit groupe, qu’ils sont isolés. Ils ne sont que vingt-deux, c’est vrai ; ils représentent une force morale considérable. Ils sont le parti de tous ceux qui font de la politique avec ce qui est possible, non avec des chimères, qui auraient désiré sans doute pour la France, une monarchie libérale, qui acceptent aussi la république, en prétendant l’entourer de toutes les garanties d’un régime régulier et protecteur de toutes les sécurités, de tous les intérêts. Ils peuvent être, s’ils le veulent, une puissance modératrice dans le parlement et exercer par leurs lumières, par l’autorité de leur parole, par la fermeté de leur attitude, une influence décisive. Perdus dans cet amalgame qui s’est appelé la majorité conservatrice du sénat, ils n’étaient qu’un contingent froissé, souvent mécontent, parfois entraîné au-delà de ses propres idées ; en allant se confondre dans la gauche, qui, n’est pas moins mêlée que la droite, ils ne dépasseraient pas seulement leurs opinions, ils risqueraient peut-être d’être reçus comme des alliés de la onzième du même de la douzième heure. Libres, indépendans, ils ne sont qu’une minorité, mais une minorité avec laquelle il faudra compter, qui peut grandir rapidement en intervenant à propos dans les Occasions sérieuses, en faisant sentir le prix de son concours, en parlant au pays, en élevant à travers tout le drapeau d’une politique de modération.

Le premier résultat pratique de l’évolution des constitutionnels, indépendamment des conséquences qu’elle peut avoir dans un avenir plus au moins prochain, c’est de dégager la situation parlementaire de ces menaces de conflits qui sont toujours dans l’air à propos de quelques lois, qui sont passées récemment de la chambre des députés au sénat. Nous ne parlons pas même du budget, que le sénat a refusé il y a quelques jours de voter au pas de course, et qu’il a voulu se donner le temps d’examiner en rivalisant de lenteur avec la chambre des députés. Il y a d’autres lois sur le colportage des journaux, sur l’amnistie en faveur des délits de presse commis depuis le 16 mai, sur l’état de siège. Ces lois, la droite sénatoriale ne demanderait certainement pas mieux que de les rejeter ou de les corriger de façon à en altérer la