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l’empereur d’Autriche et du roi d’Italie l’assurance que ces lettres pourraient, à un moment donné, servir de base à la rédaction d’un traité qu’on n’aurait plus qu’à signer en quelques jours. L’événement a prouvé que c’était une grave erreur. Mais, il faut le reconnaître, la conduite des deux représentans à Paris de l’Autriche et de l’Italie, MM. de Metternich et Nigra, était bien faite pour illusionner l’empereur. Ces deux envoyés, dans des conversations particulières, dans des épanchemens intimes très explicites, affirmaient à ce point les bonnes dispositions de leurs gouvernemens qu’ils les engageaient plus qu’ils n’y étaient autorisés. Les rapports fréquens et directs qu’ils avaient avec les Tuileries ont évidemment égaré Napoléon III et son entourage. Ils ont créé et entretenu des espérances trompeuses. Tel est le danger de ces relations trop intimes et trop personnelles entre un souverain et des ministres étrangers. Les motifs les plus frivoles, dans ce commerce familier avec les Tuileries, où ils cherchaient à plaire, ont pu conduire les représentans de ces deux cours à faire croire à l’empereur que l’alliance de leurs gouvernemens serait plus facile à obtenir qu’elle ne l’était en réalité.

L’année 1870 ne tarda pas à dissiper ces illusions. L’avènement du cabinet libéral du 2 janvier fut considéré en Italie comme l’abandon de la part de la France de toute arrière-pensée belliqueuse ; l’empereur, sous l’influence du parti clérical, n’ayant pas voulu régler les affaires de Rome, desquelles dépendait le traité avec l’Italie, le cabinet italien fut convaincu que le maintien du pape à Rome primait le désir d’avoir une alliance avec lui et l’Autriche, et, tout en applaudissant au changement libéral qui s’opérait en France, il éprouvait un certain regret de voir ajourner à une époque indéterminée la question romaine. Il crut que l’attention de l’empereur était bien plus portée sur l’intérieur, par l’établissement d’un régime libéral, que vers la guerre. Avec l’Autriche, l’intimité s’accrut, les échanges de vue, de craintes, d’espérances fondées sur des rancunes communes, devinrent plus fréquens, surtout lors d’une visite de l’archiduc Albert à Paris aux mois de février et mars 1870. Les conversations portèrent principalement sur la question militaire ; on se préoccupait moins de prévoir les complications politiques qui pourraient amener la guerre que de régler la conduite à tenir quand elle arriverait. Les procédés peu scrupuleux, agressifs, souvent hautains de la Prusse motivaient ces appréhensions belliqueuses. L’empereur Napoléon écoutait plus qu’il ne parlait. Le général L… fut envoyé à Vienne, après le voyage de l’archiduc à Paris, avec mission de discuter les bases stratégiques de la guerre, si elle devenait inévitable.

La crise provoquée par les affaires d’Espagne tomba comme un coup de foudre sur la France au milieu de sa transformation