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UN REMORDS

DERNIÈRE PARTIE[1].

XVI.


La lettre que Francis Walrey avait reçue était sans signature ; elle l’engageait brièvement à veiller de plus près sur sa femme, qui se compromettait avec Maurice Morton, et nous sommes forcé de reconnaître que l’avertissement, quelque lâche, quelque perfide qu’il fût, n’était pas calomnieux.

Pendant la seconde semaine du séjour de Manuela chez sa tante, Morton était revenu au moment où lui-même s’y attendait le moins, rappelé par la nécessité vulgaire de s’entendre avec un éditeur ; il avait frappé à la porte de Mme de Clairac, sans se douter qu’il allait rencontrer Manuela. Peut-être, s’il eût été averti de sa présence, aurait-il évité cette épreuve ; mais, ayant par hasard mis le pied dans la maison, il y retourna. Comment n’y serait-il pas retourné, ne fût-ce que pour réparer l’étonnante gaucherie qu’il avait laissé paraître en retrouvant à l’improviste Manuela, tranquillement assise sous cette lampe dont la clarté douce ruisselait sur sa beauté plus frappante que jamais ?

Le nom de Morton ayant retenti dans le silence du salon, elle ne s’était point troublée, elle avait attendu l’ennemi avec un sourire calme qui semblait dire : — Je suis bien sûre de ne plus vous aimer. — Elle-même avait été surprise de sa propre impassibilité, comme peut l’être un jeune soldat qui essuie bravement le feu dont il a eu peur d’avance.

La lecture du livre de Morton, un mois auparavant, l’avait émue

  1. Voyez la Revue du 15 février, du 1er et du 15 mars.