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Nos explorateurs avaient déjà remarqué des femmes portant sur le corps les cicatrices de pareilles blessures qui témoignent de la douleur ressentie à la perte d’un époux.

Le lendemain, Cook, M. Banks et plusieurs compagnons remontèrent sur une longueur de quatre ou cinq milles une assez large rivière. Ayant débarqué sur la rive orientale, un bel arbre où des oiseaux avaient édifié leurs nids semblait offrir son ombrage aux voyageurs, qui songeaient à dîner. On n’eut aucune peine à tuer des oiseaux et à recueillir des coquillages ; c’était assez pour le repas improvisé. Du haut des collines, on apercevait le cours supérieur de la rivière toute bordée de mangliers. Près de l’embouchure, les Anglais rencontrèrent un petit village où ils furent reçus avec des façons pleines d’aménité. Au voisinage, ils purent observer un fort abandonné, un heppah dans le langage des naturels, bâti sur un point élevé, s’avançant au-dessus de la rivière. Nul ingénieur d’Europe, dit Cook, n’aurait choisi une situation plus heureuse pour permettre à un petit nombre de se défendre contre des masses d’ennemis. Entourée d’eau de trois côtés, les rochers abrupts rendaient cette sorte de forteresse inaccessible. Du côté de la terre, un glacis et un fossé large et profond, bordé de pieux solidement enfoncés, légèrement inclinés, la protégeaient ; au sommet du glacis, une forte palissade complétait la défense. Tout cela était parfaitement conçu. En vérité, le peuple de la Nouvelle-Zélande, avec ses actes de cruauté, d’hostilité farouche, de perfidie, à certaines heures de délicatesse et de courtoisie, souvent de déloyauté dans les transactions, avec son courage, son goût pour l’art de l’ornementation, son habileté à construire bateaux et maisons au moyen des plus misérables outils, son intelligence pour lutter contre les ennemis, avec son ignorance des engins et des armes les plus ordinaires, avec la pauvreté de ses ressources, devait paraître bien étrange et bien digne de curiosité aux Européens qui le visitaient pour la première fois. Tout en effet chez ce peuple était sujet d’étonnement. On voit des ouvrages d’une remarquable perfection, et ce sont des cailloux aiguisés et des coquilles qui suffisent à toutes les opérations. On considère les armes : elles sont d’une simplicité primitive ; les traits se lancent à la main. Les Néo-Zélandais n’ont inventé ni l’arbalète, ni la fronde, ni même l’arc et les flèches qu’on trouve en usage dans la plus grande partie du monde et jusque chez des nations privées de toute industrie.

Dans une excursion au nord de la baie, nos explorateurs demeurent sous le charme. Il y avait un village fortifié bâti sur un petit rocher percé d’une large ouverture et entouré d’eau pendant la pleine mer. La situation était jolie et pittoresque au. possible ; on n’y avait accès que par un sentier étroit et fort raide. A un mille de