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peine, et qui n’occupent qu’un espace insignifiant, les catacombes entières sont l’œuvre des fossoyeurs chrétiens.

Après avoir prouvé qu’elles avaient été creusées par les chrétiens pour enterrer leurs morts, on s’est demandé si elles n’ont jamais servi à d’autres usages. C’est une question qu’on a beaucoup discutée et que les préventions religieuses ont souvent obscurcie. Quand on la débattit pour la première fois, au XVIIe siècle, Basnage et les docteurs protestans affirmèrent qu’on célébrait aussi les offices divins aux catacombes, croyant que c’était un moyen d’établir que les chrétiens étaient alors en fort petit nombre, puisqu’ils pouvaient tous tenir dans ces étroites galeries. L’argument semblait si sérieux aux théologiens catholiques qu’ils se croyaient obligés de nier de toute leur force que les fidèles s’y fussent jamais réunis. Ils avaient tort. Nous savons certainement aujourd’hui qu’à partir du IIIe siècle, quand les persécutions devinrent plus habiles et plus rigoureuses, lorsqu’il ne fut plus possible aux chrétiens de se rassembler dans leurs oratoires ordinaires, confisqués par l’autorité ou surveillés par la police, ils se cachèrent souvent aux catacombes pour y célébrer leurs mystères. C’est alors qu’on y construisit des chambres plus vastes qui devaient devenir avec le temps de véritables églises souterraines. Le père Marchi en a découvert une, dans le cimetière de Sainte-Agnès, où la place de l’autel était visible, où l’on trouvait encore le siège de l’évêque avec les stalles des prêtres taillées dans le tuf. Le cimetière de Calliste en contient aussi qui ressemblent assez à celle de Sainte-Agnès ; M. de Rossi a démontré qu’on a commencé à les construire vers l’époque de Dèce et de Valérien, qu’elles ont servi aux assemblées des fidèles pendant les persécutions, et qu’on s’y est réuni quelque temps encore, après la paix de l’église, en souvenir du passé.

Ces points définitivement acquis à la science et ce premier terrain bien assuré, M. de Rossi s’est avancé beaucoup plus loin, marchant cette fois tout seul et dans des chemins où personne ne l’avait précédé. Il s’était vite aperçu, dès ses premières fouilles, que les chrétiens, ceux du moins du Ier et du IIe siècle, ne semblaient pas préoccupés de dissimuler à leurs ennemis l’existence de leurs cimetières. il en conclut que, s’ils ne se cachaient pas pour les creuser, s’ils ne prenaient pas la peine de les placer dans des endroits déserts, c’est qu’ils savaient bien qu’on n’était pas disposé à les leur prendre, et qu’ils étaient sûrs que, même quand on poursuivait les vivans, on respecterait les morts. Cette conjecture fut confirmée par la découverte qu’on fit, il y a une quinzaine d’années, de la principale entrée du cimetière de Domitille. Elle était placée le long d’une des voies les plus fréquentées de Rome. La porte s’ouvrait sur le chemin ; rien n’en dérobait l’accès aux profanes. Elle était surmontée