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inquiétude. Ce département est le seul du royaume où le protestantisme forme un parti politique. Il renferme dans son sein d’excellens royalistes ; mais la généralité de ce parti est antiroyaliste. Je ne dois pas l’abandonner aux fureurs d’une réaction qu’il n’a que trop provoquée et les efforts que je fais pour arrêter ces élémens réactionnaires peuvent éloigner de moi la confiance de la majorité dans la classe du peuple et lui faire méconnaître dans l’autorité du préfet celle du roi[1]. » Le 5 septembre, toutes les communes étaient désarmées, envoyaient des adresses de soumission et le préfet ajoutait : « Tout est aujourd’hui soumis et calme ; mais rien n’est éteint. Un souffle peut rallumer le double incendie de la révolte chez les factieux et du brigandage dans la population oisive et misérable qui, sous le prétexte de vengeances réactionnaires, s’est livrée à des excès de pillage qui ont tant d’appas pour elle. » Puis il annonçait qu’il avait fait arrêter quelques-uns des coupables ; mais il déplorait l’absence des tribunaux, l’inaction du ministère public. En même temps, il prodiguait les proclamations. « Rendez votre monarque heureux ; mais soyez assurés qu’il ne peut l’être qu’en voyant habiter parmi vous la paix et la justice. Les cheveux du roi ont blanchi sur sa tête sacrée, agités pendant vingt-cinq ans par les orages de vos adversités. N’est-il pas temps enfin de verser quelques consolations dans le cœur de notre père ? Immolons à ses pieds le souvenir de nos maux qu’il veut finir, nos passions que ses royales vertus condamnent, nos ressentimens désormais inutiles, puisque le repentir trouve grâce à ses yeux, nos vengeances désormais sans honneur, puisqu’il n’y a plus de résistance. »

Ce langage n’avait que le tort de manquer d’énergie et attirait à son auteur cette observation ministérielle : « J’ai lu votre proclamation. J’aurais désiré un style un peu plus nerveux et l’expression plus prononcée du mécontentement de l’autorité et de sa sévérité[2]. » Quelques jours après, il recevait encore une lettre confidentielle ayant pour but d’exciter son zèle et dans laquelle nous relevons ce passage : « On m’assure qu’un des principaux auteurs des troubles qui ont eu lieu dans votre département est encore en pleine liberté et qu’il se promène dans votre ville. Son nom est Trestaillons. Il paraît qu’il est coupable de grands crimes. Si les faits sont tels que la voix publique les indique, je pense que vous vous occuperez de prendre les mesures convenables pour le faire arrêter et traduire devant les tribunaux[3]. » L’autorité n’osa obtempérer immédiatement à cet ordre, tant elle redoutait l’influence

  1. Archives nationales. Dossier des événemens du Midi en 1815.
  2. Archives nationales. Dossier des événemens du Midi en 1815.
  3. Ibid.