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quand celle-ci ne résultera pas du défaut de la justice, mais de la faiblesse ou de la lâcheté des témoins[1]. »

Ces prévisions ne furent que trop justifiées. En ce qui concernait Trestaillons, les menaces retinrent Les témoins à Nîmes, et, faute de preuves, une ordonnance de non-lieu fut rendue en sa faveur au mois de mars 1846 : « Il est à croire, disait le juge d’instruction, que, si Dupont a la réputation qu’on lui a faite, les personnes qui ont à se plaindre de lui ne veulent pas se présenter. » Trestaillons rentra à Nîmes, y vécut méprisé, mais impuni, sans que ni la pétition indignée de l’avocat Barbaroux, en date du 14 mai 1820, ni celle de M. Madier de Montjau, ni les discours de M. de Saint-Aulaire pussent lui enlever le bénéfice de la décision judiciaire. La poursuite fut continuée contre Jean Graffand. On trouva en effet cinq témoins ayant consenti à se présenter, mais c’étaient des témoins à décharge, parmi lesquels figurait un individu qui avait été, au dire de quelques contemporains, le complice le plus actif de Graffand. Leurs témoignages confirmèrent les dénégations du prévenu ainsi que les renseignemens recueillis sur son compte, et force fut au juge d’instruction de rendre encore une ordonnance de non-lieu. Rien ne sert mieux à peindre l’état des esprits que cette conspiration du silence au profit d’un homme qui avait tant fait de victimes. Il rentra à Uzès. Un riche propriétaire le prit à son service, et ses forfaits semblaient destinés à l’oubli, lorsqu’en 1819 il fut poursuivi pour un délit de droit commun et condamné. Il n’était plus à craindre. Il y eut alors une explosion de plaintes dont l’unanimité obligea la justice à reprendre l’instruction, à Riom, en mars 1821. Cette fois les témoins abondèrent. Nous avons eu sous les yeux le volumineux dossier de cette seconde procédure. Le bandit y apparaît dans toute son horreur. Sur dix-neuf chefs d’accusation, l’instruction en retint onze. Renvoyé devant la cour d’assises du Puy-de-Dôme, Jean Graffand fut condamné à mort par contumace et exécuté en effigie.

Quinze mois avant, sur la plainte de la veuve du capitaine Bouvillon, assassiné à Nîmes, le 1er août, Truphémy avait été poursuivi. L’instruction ne visait que cet unique fait, sans chercher à savoir si le prévenu n’avait pas participé à d’autres. C’était assez d’ailleurs pour entraîner une condamnation capitale qui fut en effet prononcée. Mais la cour de cassation ayant annulé l’arrêt pour vice de forme, celle de la Drôme, jugeant la cause à nouveau, condamna le coupable aux travaux forcés à perpétuité. Truphémy fut exposé au poteau et flétri publiquement sur la place du Marché à Valence, le 27 avril 1820. A la même époque, d’autres individus

  1. Documens judiciaires. Archives de la cour de Riom.