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parages quelque grand navire, s’il restait parmi eux un souvenir de l’aventure de Tasman, on n’obtint que des réponses négatives. On n’était pourtant qu’à une quinzaine de milles au sud de la baie des Meurtriers.

Un beau matin, en descendant à terre, on vit une famille qui préparait le repas ; un chien cuisait. Dans un bassin, il y avait des os dépouillés ; les Anglais demandent de qui proviennent ces restes : — D’un homme, déclarent de l’air le plus naturel ces bonnes gens. — Mais la chair ? — Nous l’avons mangée. Aux signes de surprise et de dégoût que ne dissimulent pas trop les visiteurs, les Néo-Zélandais, un peu étonnés, racontent que l’homme appartenait au groupe de leurs ennemis ; il avait été tué cinq jours auparavant, tandis que dans son bateau il rôdait près du rivage. Les Anglais arrivaient avec peine à comprendre comment on osait se dire anthropophage. Les naturalistes n’éprouvèrent nulle difficulté à recueillir des os humains convenablement rongés qu’ils tenaient à rapporter en Europe comme pièces de conviction. Dans une course sur le littoral de la baie, MM. Banks et Solander se mettent à herboriser ; le commandant de l’Endeavour, suivi d’un matelot, grimpe sur une colline ; le spectacle inattendu fait vite oublier la fatigue. De ce point élevé, l’observateur voit la mer qui baigne la côte orientale de la Nouvelle-Zélande et le canal ou le détroit qui permet de traverser de l’ouest à l’est. Le soir, se promenant sur le pont de son navire, Cook méditait avec bonheur sur sa découverte.

Pendant une excursion, un objet frappe les Anglais de surprise : c’est une croix plantée en terre, pareille aux croix de nos villages. On s’informe de la signification de cet emblème, les indigènes répondent que le monument a été élevé à la mémoire d’un homme mort. Il ne fut pas possible d’en apprendre davantage. Était-ce un indice du passage d’un vaisseau d’Europe égaré ? Nul ne saurait l’affirmer. Une autre fois, en allant à terre, nos navigateurs tombent au milieu d’une nombreuse famille dont les membres ont coutume de se disperser dans les différentes criques où l’on pêche du poisson en abondance. Hommes, femmes et enfans reçoivent les étrangers d’une manière charmante et, comme marque de gratitude pour de petits présens, ils les embrassent tous avec effusion. Le commandant veut contempler de nouveau le détroit ; MM. Banks et Solander l’accompagnent, tous ensemble montent sur une des plus hautes collines. Au sommet, c’est magnifique, la vue embrasse un immense espace ; mais l’horizon est chargé de vapeur, la rive orientale demeure ensevelie dans la brume. Néanmoins Cook a pris la résolution de tenter le passage du canal aussitôt que le navire sera en état de reprendre la mer. Avant de quitter la place, les Anglais ramassent des pierres et en forment une pyramide, ils y introduisent