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et passer de la baronne d’Ange à Olympe Taverny, c’est passer de l’exploitation élégante des faiblesses humaines à l’exploitation par chantage et à l’escroquerie par intimidation, c’est-à-dire assister au spectacle du vice dans ce qu’il a de plus bestial, de plus fangeux, de plus insolent et de plus trivial. Si le sujet est audacieux, la peinture est de main de maître. Le monstre a été rendu dans toute sa hideur, sans qu’il manque un trait à son effronterie et à sa bassesse. Si jamais œuvre, entreprise dans la pensée de prouver que la nature première est invincible et que rien ne peut jamais la changer, a plaidé sa thèse avec vigueur et conclu avec logique, c’est bien celle-là. Comme cette nature première a été chez Olympe expressément formée pour le mensonge et le vice, il y a en elle une sorte de franchise impudente qui la rend inhabile à la plus vulgaire prudence et à la contrainte la plus élémentaire. Olympe est vicieuse contre tout bon sens ; l’instinct pervers, plus fort en elle que l’intérêt bien entendu, la rend incapable de discernement. A la plus futile circonstance, le naturel reprend le dessus. Un intrus lui présente des diamans, et, oublieuse de sa fortune nouvelle, elle étend pour les saisir ses griffes crochues de pie voleuse. On la laisse seule une soirée, immédiatement elle en profite pour organiser une partie fine et pour transformer la salle à manger de famille en cabinet particulier de restaurant parisien. Et comme elle s’ennuie avec sincérité dans la compagnie des êtres bons et vertueux que son escroquerie légitimée lui a donnés pour parens ! Comme le fardeau de la bienséance et du respect pèse lourdement sur la boue chaude qui lui sert d’âme ! Comme ses bâillemens irrépressibles justifient le mot de son mari : « Vous êtes, madame, dans la famille comme un impie dans une église ! » Cette œuvre remarquable n’a jamais eu tout le succès qu’elle mérite, en partie parce que cette peinture, sans atténuation aucune, d’une nature odieuse à l’excès, blesse sans émouvoir, en partie à cause du détail qui lui sert de conclusion, ce fameux coup de pistolet par lequel le vieux marquis exaspéré met fin aux menaces effrontées de déshonneur qu’Olympe fait peser sur sa famille.

Le coup de pistolet du Mariage d’Olympe, quel instructif petit essai de morale sociale on pourrait écrire sous ce titre ! Si jamais dénoûment a été bien trouvé, était légitimé par les circonstances où l’auteur a placé ses personnages, et donnait satisfaction à ce besoin de justice qui possède d’ordinaire le spectateur, c’est bien celui-là. Il fut vivement blâmé cependant par quelques critiques sous prétexte qu’il blessait le code pénal, et qu’après tout Olympe était dans son droit ayant la loi de son côté, argument qui, pour ne rien dire de plus, a le défaut de ressembler à la manière peu relevée de raisonner des gens de la maison des Capulets au premier